Repérer et comprendre l’étoile Polaire

Si on demande de citer le nom d’une étoile, la réponse est souvent l’étoile Polaire. Mais la connaissez-vous vraiment ?

Ronde stellaire autour de l’étoile Polaire et au-dessus du Pavillon de Vignes de Macheron, près de Lugny. Photo à longue pose réalisée au clair de Lune. Photo : Didier Auberget

Quiz : répondez par vrai ou faux

1. L’étoile Polaire est l’étoile la plus brillante de notre ciel.
2. L’étoile Polaire a aussi pour nom l’étoile du Berger.
3. Le nord indiqué par l’étoile Polaire est le même que celui indiqué par la boussole.

Rendez-vous un peu plus bas pour les réponses !

Où est-elle ?

L’étoile Polaire a la particularité d’être visible toutes les nuits de l’année depuis l’hémisphère nord. Pour la localiser, c’est simple : repérez la constellation connue de tous, celle de la Grande Ourse, dont les étoiles principales forment une casserole. En partant des deux astres du bout du récipient et en prolongeant de cinq fois la distance qui les sépare, on tombe sur l’étoile Polaire qui est aussi l’astre principal de la constellation de la Petite Ourse et porte donc le nom d’Alpha Petite Ourse.

En reportant cinq fois la distance des deux étoiles du bout de la casserole de la Grande Ourse, vers le haut du récipient, on trouve l’étoile Polaire et la direction du nord.

L’étoile Polaire s’appelle ainsi car elle se trouve presque exactement au pôle nord céleste, l’endroit du ciel boréal vers lequel pointe l’axe de rotation de la Terre. Notre planète, en tournant sur elle-même, génère le mouvement circulaire apparent des étoiles, bouclé en un jour et centré sur le pôle nord céleste qui est donc immobile. Et notre étoile, située au même endroit, semble fixe elle aussi. Cette localisation lui donne un rôle important :

  • toutes les autres étoiles semblent tourner autour ;
  • elle nous indique le nord !
En 1948, Paul Émile Victor avait mis l’étoile Polaire au centre du sigle de son expédition d’exploration à bord du bateau Commandant Charcot. Plaque visible au musée de la marine de Brest.

L’étoile Polaire à travers l’histoire

Très pratique pour s’orienter, l’étoile Polaire a souvent été chargée d’une symbolique forte. Ainsi, elle correspond au nombril du ciel pour les populations Yakoutes, ou à un moyeu autour duquel il tourne pour les Lapons.

En Mésopotamie, les Assyriens l’appellent Stella Maris (l’étoile de la mer), elle qui est si précieuse pour s’orienter lorsqu’ils naviguent.

Cet usage en mer a d’ailleurs été commun à de nombreuses générations de marins quelles que soient les civilisations, jusqu’à l’invention des instruments modernes de localisation. Faisant de l’étoile Polaire un symbole fort pour les marins.

Le drapeau de l’Alaska. DR

On retrouve également l’étoile Polaire sur le drapeau de l’état américain de l’Alaska, en compagnie de la Grande Ourse. Ce drapeau a été adopté en 1927 à la suite d’un concours remporté par un enfant de 13 ans, Benny Benson. Celui-ci a justifié la présence de l’astre ainsi : « L’étoile Polaire représente le futur état de l’Alaska, l’État de l’Union le plus au nord. »

Des temps anciens à aujourd’hui, l’étoile Polaire a donc toujours tenu une place importante.

Un nom, plusieurs étoiles

Mais cette étoile qui nous guide depuis des siècles cache bien son jeu… Car en réalité, ce n’est pas toujours la même ! Rassurez-vous, ce changement ne se produit pas à l’échelle d’une vie humaine : il faut plusieurs siècles pour qu’il soit effectif.

En effet les pôles célestes, qui correspondent aux deux directions de l’axe de rotation de la Terre, se déplacent dans le ciel. Pourquoi cela ? Il faut tout d’abord savoir que notre planète est légèrement aplatie : elle possède un bourrelet équatorial. Celui-ci n’est pas aligné sur le plan de l’orbite terrestre (appelé aussi écliptique) parce que l’axe de rotation de notre planète est incliné. Or, les forces d’attraction de la Lune et du Soleil ont tendance à agir sur le bourrelet pour le ramener dans ce plan. La conséquence, c’est que l’axe de rotation mène une drôle de danse que l’on peut comparer à celle d’une toupie mal lancée : ses directions décrivent un cercle sur la voûte céleste. Ce mouvement, appelé précession, est lent : pour réaliser un tour complet, il faut près de 26 000 ans, pendant lesquels plusieurs étoiles se partagent donc tour à tour le statut d’étoile Polaire.

La précession est le mouvement en cercle que décrit l’axe de rotation de la Terre en 26 000 ans environ, autour de la perpendiculaire au plan de l’orbite terrestre.

Ainsi, au fil des derniers millénaires, ce rôle a été endossé par Thuban (alpha Dragon) vers -2000, puis Kochab (qui signifie « étoile du nord » en arabe et s’appelle aussi bêta Petite Ourse) jusqu’à l’an 1000 environ et alpha Petite Ourse depuis. Dans 2 000 ans, ce sera le tour d’Erraï (gamma Céphée) et dans 12 000 ans environ, celui de la brillante Véga (alpha Lyre).

Nous avons de la chance, car notre étoile Polaire est actuellement très proche du pôle nord céleste. En 2017, la distance angulaire qui les sépare est d’environ 0° 40’ et continuera de diminuer jusqu’en 2102, pour atteindre la valeur de 0° 27’ 30’’. Cette distance est négligeable à l’œil nu, ce qui veut dire que repérer l’étoile Polaire signifie bien repérer le nord dans la vie courante. Mais cela n’est plus vrai si une localisation plus précise est nécessaire : ainsi par exemple, les astrophotographes doivent tenir compte de cet écart lorsqu’ils alignent leur instrument, grâce à un viseur polaire indiquant le déplacement d’alpha Petite Ourse d’année en année.

Une simple photographie à longue pose en direction du pôle nord céleste suffit à montrer que l’étoile Polaire n’est pas exactement centrée sur celui-ci.

Et dans l’hémisphère austral ?
L’étoile Polaire étant invisible depuis l’hémisphère austral, les observateurs se tournent donc pour se repérer vers l’autre pôle céleste, qui indique le sud. Manque de chance, il n’y a actuellement pas d’étoile brillante à côté ! C’est un alignement grâce à deux étoiles de la constellation de la Croix du Sud qui permet de le localiser approximativement.

Portrait stellaire

Le télescope spatial Hubble a été utilisé pour étudier de près l’étoile Polaire en 2005 et a permis de mettre en évidence qu’il s’agit d’un système stellaire triple. Crédit : NASA, ESA, N. Evans (Harvard-Smithsonian CfA), and H. Bond (STScI)

L’étoile Polaire (Polaris en latin) est une supergéante huit fois plus massive que notre Soleil et 2 000 fois plus lumineuse, mais en raison de sa distance à la Terre de 430 années-lumière, sa magnitude n’est que de 2. Sa couleur blanc-jaune indique une température de surface aux alentours de 6 800 °C.

Et comme c’est le cas pour nombre d’étoiles dans l’Univers, on sait aujourd’hui que c’est une étoile multiple ! Un premier compagnon a tout d’abord été découvert en 1780 par l’astronome britannique William Herschel. Appelé Polaris B, il peut être détecté avec un instrument d’amateur de bon diamètre : sa magnitude est de 9 et son écartement avec Polaris A (l’étoile principale) de 18,4’’. Plus récemment, en 2005, les scientifiques ont également mis en évidence un second compagnon très proche de Polaris A et bien plus petit, grâce au télescope spatial Hubble. Cette petite étoile a été nommée Polaris Ab.

Ces compagnons de l’étoile Polaire ne sont malheureusement pas accessibles aux instruments modestes. Mais les possesseurs de jumelles peuvent se consoler en admirant la jolie bague de fiançailles dont notre astre repère est le joyau !

Pour parfaire le portrait, signalons enfin l’éclat variable de Polaris A, dont la période est de 3,97 jours. Lorsqu’on a découvert cette caractéristique en 1899, la variation était supérieure à 0,1 magnitude. Mais l’étoile Polaire n’est décidément pas comme les autres… Les scientifiques ont en effet constaté que l’amplitude de cette variation change aussi ! Ainsi, en 1983, il n’était plus que de 0,05 magnitude, puis de 0,01 en 1992 et a augmenté à nouveau à partir des années 2000. Aujourd’hui encore, notre étoile Polaire réserve donc des surprises, même aux scientifiques !

Les réponses du quiz

1. FAUX. L’étoile Polaire n’est que la 48e étoile la plus brillante de notre ciel ! Sur la première place du podium, on trouve… le Soleil qui éclaire nos journées. Et la nuit, c’est l’étoile Sirius dans la constellation du Grand Chien qui est la plus lumineuse. Attention cependant, car son éclat est parfois supplanté par les planètes Vénus ou Jupiter !
2. FAUX. L’étoile du Berger est en réalité… la planète Vénus ! Visible vers l’ouest le soir ou vers l’est le matin, toujours à proximité de l’écliptique, elle se trouve donc toujours très éloignée des pôles célestes.
3. PAS TOUT A FAIT VRAI. L’étoile Polaire sert de repère pour trouver le pôle nord géographique. L’aiguille de la boussole elle, s’aligne avec les pôles magnétiques de la Terre, mais ils ne sont pas confondus avec les pôles géographiques ! En 2017, le pôle nord magnétique est éloigné d’environ 330 kilomètres du pôle nord géographique, et se déplace à la vitesse de 55 kilomètres par an environ en direction de la Sibérie.

Auteur : Carine Souplet
Illustrations de l’auteur sauf mention contraire.