Qu’est-ce qu’une onde gravitationnelle ?

Prédites par la théorie de la Relativité générale d’Einstein en 1915, elles ont beaucoup fait parler d’elles. Détectées pour la première fois pile 100 ans plus tard par l’instrument LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) aux États-Unis, les ondes gravitationnelles fascinent scientifiques et néophytes. Éclairage sur ces ondes d’un nouveau genre.

Simulation numérique réalisée par la collaboration Simulation of eXtreme Spacetimes (SXS) de l’université de Cornell aux États-Unis. On y voit deux trous noirs tourner l’un autour de l’autre, rentrer en collision puis fusionner. L’aspect de « soupe » est dû aux déformations de l’espace-temps : les ondes gravitationnelles.
Crédit : Cornell edu

Deux trous noirs fusionnent en un plus massif

À ce jour, deux types d’ondes gravitationnelles ont été observés : des ondes issues de la collision de deux trous noirs et de la collision de deux étoiles à neutrons. Alors, que se passe-t-il quand deux corps très denses et très compacts entrent en collision ? Réponse : une déformation de l’espace-temps ! Pas de panique, on vous explique.

Il y a 1,3 milliard d’années, deux trous noirs sont entrés en collision. Ces objets célestes invisibles, si compacts que leur champ gravitationnel empêche matière et lumière de s’en échapper, avaient respectivement une masse 29 et 36 fois supérieure à celle du Soleil. Et leur vitesse était immense : 200 000 km/s, c’est-à-dire les deux tiers de la vitesse de la lumière ! En une fraction de seconde, ils ont alors fusionné en un trou noir unique de 62 masses solaires. Or, 29 + 36 = 65. La masse du trou noir final devait donc être de 65 masses solaires et non de 62. Pourquoi ?

E=mc2

Photographie de Albert Einstein
Albert Einstein (1879-1955) a été le premier à prédire l’existence des ondes gravitationnelles.
crédit : Flickr

C’est notre cher Einstein qui détient la réponse dans sa célèbre formule E = mc2. L’énergie (E) vaut la masse (m) multipliée par la vitesse de la lumière (c) au carré. Ainsi, le trou noir final est plus léger que la somme des deux trous noirs initiaux car une partie de leur masse (ici, l’équivalent de trois Soleils) s’est convertie en… ondes gravitationnelles.

Ondes gravitationnelles qui ont voyagé à la vitesse de la lumière et sont arrivées 1,3 milliard d’années plus tard sur Terre, sur le détecteur LIGO, le 14 septembre 2015.

En théorie, tous les objets massifs et accélérés peuvent créer des ondes gravitationnelles. Mais la gravitation est une force bien plus faible que les autres forces présentes dans l’univers. C’est pourquoi les objets mis en mouvement doivent être très massifs et très rapides pour générer des ondes détectables depuis la Terre. C’était le cas de ces deux trous noirs.

L’espace-temps se met à vibrer

De plus, d’après la théorie de la relativité générale de notre physicien favori, l’espace est élastique et peut être façonné par la matière qui s’y trouve, comme si l’on posait une boule de pétanque sur un drap tendu. Ainsi, un objet statique très massif déforme l’espace autour de lui. Si l’objet se déplace et accélère, cela modifie également la forme de l’espace le long de son parcours. Ceci se manifeste par une vague qui se propage dans l’univers tout entier, tels des ronds dans l’eau d’un étang après y avoir jeté une pierre. Ces vibrations de l’espace-temps sont les ondes gravitationnelles.

Ce dessin animé explique en trois minutes seulement ce que sont les ondes gravitationnelles, la manière de les détecter et en quoi elles sont de puissants outils pour une meilleure compréhension de l’Univers.
Crédit : « Piled Higher and Deeper » de Jorge Cham www.phdcomics.com

Sur leur passage, ces ondes dilatent puis contractent l’espace. Ainsi, tout objet qui se trouve sur le trajet d’une onde gravitationnelle voit sa longueur varier ! Comme si l’espace entre les atomes de ses molécules s’étirait puis se resserrait. C’est ce phénomène qui a été perçu sur notre Terre grâce aux mesures ultra-précises de longueurs réalisées au sein des détecteurs LIGO et Virgo par interférométrie laser.

Photographie du site du détecteur LIGO
Le détecteur LIGO à Livingston en Louisiane (USA). Crédit : LIGO/Caltech

Collision inédite de deux étoiles à neutrons

Les observations d’ondes gravitationnelles qui ont suivi celle du 14 septembre 2015 sont également le résultat de la fusion de deux trous noirs. Mais le 17 août 2017, LIGO et le détecteur franco-italien Virgo ont observé pour la première fois la collision de deux étoiles à neutrons situées à 130 millions d’années-lumière de nous.

Nuage en expanssion visible par une vue d'artiste
Vue d’artiste du nuage en expansion, chaud et dense, de débris issus de deux étoiles à neutrons juste avant qu’elles n’entrent en collision. Crédit : Nasa

Ces astres sont ultra-denses, comme les trous noirs, ce qui rend observables depuis la Terre les ondes gravitationnelles issues de leur fusion. Une étoile à neutrons mesure environ la taille d’une ville comme Londres, mais une petite cuillère de sa matière pèse un milliard de tonnes… Exclusivement composée de neutrons – l’un des constituants des noyaux des atomes – l’étoiles à neutrons résulte de l’explosion d’une étoile massive et reste l’étoile la plus petite et la plus dense connue à ce jour.

L’analyse des signaux de LIGO et Virgo du 17 août 2017 a d’ailleurs permis d’estimer les masses de ces deux astres d’environ 15 km de rayon comprises entre 1,1 et 1,6 fois la masse du Soleil alors que celui-ci est presque 50 000 fois plus gros.

Toute la planète astronomique sur le pont

D’autre part, la différence majeure entre la collision de deux trous noirs et de deux étoiles à neutrons est que dans ce cas, l’émission des ondes gravitationnelles s’accompagne d’émissions de rayonnements. Le satellite Fermi de la Nasa et le satellite Integral de l’Agence spatiale européenne (ESA) ont ainsi enregistré un sursaut gamma – un flash de rayonnement très énergétique.

Dessin montrant le satellite Fermi
À la suite de la détection des ondes gravitationnelles issues de la collision de deux étoiles à neutrons par LIGO-Virgo, le satellite Fermi de la Nasa a observé un flash de rayonnement très énergétique appelé sursaut gamma. Crédit : Nasa

Les scientifiques de la collaboration One-Meter Two-Hemispheres (1M2H) utilisant le télescope américain Swope au Chili et les télescopes DLT40, VISTA, MASTER, DECam, et Las Cumbres qui observent comme Swope dans la partie visible du spectre lumineux, ont quant à eux assisté à l’apparition d’un nouveau point lumineux dans la galaxie NGC4993. Enfin, une émission radio environ une semaine après le commencement a aussi été perçue.

Grâce à LIGO et Virgo, une nouvelle manière d’observer vient ainsi de voir le jour. Lorsqu’ils détectent le passage d’une onde gravitationnelle, l’alerte est immédiatement donnée aux observatoires du monde entier, qui prennent le relais pour observer l’événement dans toutes les gammes de rayonnement. C’est cette « astronomie gravitationnelle » qui a permis pour la première fois d’assister à la collision de deux trous noirs et de deux étoiles à neutrons.

En 2020, après trois campagnes d’observation, l’analyse du passage des ondes gravitationnelles à travers les détecteurs terrestres a permis de « voir » une centaine de trous noirs. A noter que chaque événement donne des informations sur trois trous noirs : les deux collisionneurs et celui qui résulte de la fusion.

Chronologie des premières détections

14 septembre 2015 : Toute première observation d’ondes gravitationnelles par LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory), deux détecteurs américains identiques de quatre kilomètres de long, situés à 3 000 km l’un de l’autre, en Louisiane et dans l’État de Washington. Annonce officielle de la découverte : 11 février 2016. Objet de la détection : fusion de deux trous noirs, de 29 et 36 fois la masse du Soleil à 1,3 milliard d’années-lumière de nous. Formation d’un trou noir de 62 masses solaires.

26 décembre 2015 : Deuxième observation d’ondes gravitationnelles par LIGO. Annonce officielle : 15 juin 2016. Objet de la détection : fusion de deux trous noirs, de 14 et 8 fois la masse du Soleil à 1,4 milliard d’années-lumière de nous. Formation d’un trou noir de 21 masses solaires.

4 janvier 2017 : Troisième observation d’ondes gravitationnelles par LIGO. Annonce officielle : 1er juin 2017. Objet de la détection : fusion de deux trous noirs, de 19 et 31 fois la masse du Soleil à 3 milliards d’années-lumière de nous. Formation d’un trou noir de 49 masses solaires.

14 août 2017 : Quatrième observation d’ondes gravitationnelles par LIGO et première par Virgo, détecteur franco-italien près de Pise en Italie. Annonce officielle : 27 septembre 2017. Objet de la détection : fusion de deux trous noirs de 25 et 31 fois la masse du Soleil à 1,8 milliard d’années-lumière de nous. Formation d’un trou noir de 53 masses solaires.

17 août 2017 : Cinquième observation d’ondes gravitationnelles par LIGO et deuxième par Virgo. Annonce officielle : 16 octobre 2017. Objet de la détection : fusion de deux étoiles à neutrons de 1,1 et 1,6 fois la masse du Soleil à 130 millions d’années-lumière de nous. Dans ce cas, l’émission des ondes gravitationnelles s’accompagne d’une émission de différents rayonnements.