Observer le Soleil au télescope : comment faire et que voit-on ?

Pour peu que l’on prenne les précautions nécessaires pour une observation en sécurité, découvrir notre étoile peut s’avérer passionnant. Une activité qui se fait évidemment en plein jour, ainsi le plaisir de pratiquer l’observation astronomique n’est pas réservé aux couche-tard !

Photo du Soleil avec taches solaires et protubérances.
Cette photo d’amateur montre des taches solaires (au centre) ainsi que des protubérances (au bord). Ces dernières sont visibles grâce à l’emploi d’un filtre particulier de type « H-alpha ». Photo : Éric Brotons, concours photo Stelvision.

Les dangers de l’observation du Soleil

Parce que le Soleil est éblouissant, nous détournons notre regard par réflexe. Le danger survient si l’on cherche à observer volontairement le Soleil sans précaution : l’œil ne peut pas supporter un tel éclat sans risquer d’être endommagé ! Ce danger est fortement aggravé lorsqu’on observe à travers un instrument d’optique : qu’il s’agisse de jumelles, de longue-vue, de télescope ou encore de lunette astronomique, ces instruments concentrent la lumière et exposent l’œil à de graves et immédiates brûlures.

Heureusement, un certain nombre de techniques et dispositifs permettent d’observer le Soleil en sécurité. Suivez nos conseils, et surtout évitez d’improviser une technique de filtrage inappropriée comme l’emploi de verre fumé ou de plastique opaque qui vous semblerait faire l’affaire : vous vous mettriez en danger !

Les filtres classiques pour une observation solaire en sécurité

La technique classique consiste à placer un filtre solaire à l’avant de l’instrument (lunette, télescope…). Le filtre doit être spécifiquement conçu pour permettre à une infime fraction de la lumière de pénétrer dans l’instrument : seulement 1/100 000e de l’énergie lumineuse franchit le filtre et vient se focaliser au niveau de l’oculaire.

Cette technique est beaucoup plus sécurisante que celle qui consiste à visser un filtre sur l’oculaire (risque d’éclatement car il reçoit une énorme quantité d’énergie concentrée sur une petite surface). Si vous avez chez vous un instrument des années 1970 ou 1980 livré avec un filtre « SUN », nous vous déconseillons d’utiliser ce filtre !

Un filtre solaire placé à l’avant d’un télescope permet de bloquer la plus grande partie de la lumière du Soleil avant qu’elle ne pénètre dans l’instrument.

Filtre en verre ou filtre en plastique métallisé ?

Il existe des filtres en verre, mais un filtre constitué d’un film plastique métallisé est beaucoup plus abordable. Le plus réputé dans le monde de l’astronomie amateur est l’Astrosolar, un film spécifiquement développé pour l’observation solaire par la société allemande Baader Planetarium. Vous pouvez acheter une feuille d’Astrosolar et bricoler vous-même un support pour votre instrument, ou bien recourir aux filtres qui comprennent un film Astrosolar monté sur un support adaptable à une large variété d’instruments. Nous proposons par exemple les modèles ASTF80, ASTF140 et ASTF200 pour les instruments de notre gamme STELESCOPE ou pour d’autres instruments de diamètre similaire.

Faut-il aussi un filtre pour le chercheur ? Comment viser le Soleil ?

Pour viser un astre, on utilise habituellement un chercheur ou un pointeur. Mais attention, un chercheur est un instrument d’optique (une petite lunette) donc il concentre la lumière, ce qui le rend dangereux lorsque votre instrument est dirigé vers le Soleil. À moins de le munir lui aussi d’un filtre, il vous faut renoncer à son utilisation : masquez son objectif avec un cache, ou démontez-le.

Si votre dispositif de visée est un pointeur avec mire de type Telrad ou Quikfinder, démontez-le pour ne pas endommager le réticule. S’il s’agit d’un viseur point rouge (une simple vitre sur laquelle se projette un point rouge), vous pouvez le laisser en place mais ne l’utilisez pas pour pointer le Soleil.

Pour pointer le Soleil sans utiliser ni chercheur ni pointeur, regardez l’ombre projetée sur le sol par le tube de votre instrument : elle doit être circulaire quand le tube est bien dans l’axe du Soleil.

Enfin, si cette méthode vous semble peu commode ou imprécise à l’usage, vous pouvez vous équiper d’un viseur solaire composé d’une petite plaque trouée qui projette l’image du Soleil sur une seconde plaque ou sur un papier faisant office d’écran. Vous pouvez d’ailleurs bricoler vous-même ce genre de dispositif avec un tube en carton (photo ci-dessous).

utilisation d'un télescope muni d'un viseur solaire  pour photographier le Soleil à l'aide d'un smartphone
Utilisation d’un télescope muni d’un filtre solaire à l’avant du tube et d’un viseur solaire en carton fixé à la place du pointeur. L’ensemble est utilisé pour photographier le Soleil avec un smartphone. Photo : Bertrand d’Armagnac / Stelvision

Que voit-on sur le Soleil avec ces filtres ?

La plupart du temps, il est possible d’observer des taches solaires, liées à l’activité magnétique de l’astre du jour. Ces zones apparaissent sombres car elles sont moins chaudes que le reste de la surface du Soleil (environ 4 500 °C contre 6 000 °C). Leurs formes sont intrigantes, avec une zone centrale noire entourée d’une auréole grise qui peut présenter un aspect filamenteux. Il est aussi parfois possible d’observer des facules, des zones particulièrement claires et brillantes, elles aussi d’origine magnétique et qui peuvent s’étaler sur plus de 10 000 km de longueur.

Ces phénomènes sont intéressants à suivre, car ils évoluent dans le temps : une tache solaire a une durée de vie de quelques jours. De plus, le Soleil tourne sur lui-même (en 27 jours environ) et cette rotation provoque un défilement progressif des taches que l’on peut percevoir au bout de quelques heures, surtout si elles sont près du limbe.

Enfin, quand les conditions d’observation sont parfaites (ciel sans turbulence atmosphérique), on peut deviner la granulation du Soleil : la surface de l’astre du jour révèle ainsi sa structuration en grains qui est due à des phénomènes convectifs (remontées de plasma chaud à la surface, un peu comme un bouillonnement d’eau chaude). Précisons quand même qu’il est très rare que les conditions atmosphériques permettent de déceler ces grains, qu’ils apparaissent de manière fugace et qu’un instrument de diamètre assez conséquent (150 mm ou 200 mm) est recommandé.

Photo Taches solaires du 10 07 2023
Taches solaires et facules (zones claires) sont observables avec un filtre solaire classique de type Astrosolar Baader. Cette photo laisse aussi deviner la granulation solaire, beaucoup plus difficile à percevoir en pratique. Photo : Brodin Alain – Concours photo Stelvision

Y a-t-il des périodes plus intéressantes que d’autres pour observer le Soleil ?

Oui ! Car l’apparition de taches et de facules est liée à l’activité magnétique solaire qui suit un cycle de 11 ans. Il y a donc des périodes de forte activité, pendant lesquelles ces phénomènes sont nombreux. À l’inverse, en période calme (minimum solaire), il arrive que le Soleil présente une surface très homogène, ce qui bien sûr est source de déception pour les observateurs !

Les cycles solaires sont analysés depuis 1755, par comptage du nombre de taches. Le 25e cycle solaire a démarré en décembre 2019 et devrait se terminer en 2030, année de minimum solaire… du moins en principe car la durée de 11 ans n’est pas toujours respectée rigoureusement ! Le maximum d’activité de ce cycle se produit en 2024-2025. L’activité de notre étoile a été particulièrement remarquable au printemps 2024 avec de très grosses taches solaires ainsi que des épisodes d’activité magnétique particulièrement intenses (tempêtes solaires) qui ont donné lieu à de magnifiques aurores boréales visibles jusqu’en France.

graphique montrant l'évolution du nombre de taches solaires entre 1964 et juin 2024
Graphique montrant l’évolution du nombre de taches solaires entre 1964 et juin 2024. Données et image : SILSO, Observatoire royal de Belgique, Bruxelles.

À noter : le niveau d’activité solaire peut être suivi en temps réel sur le SpaceWeatherLive.

Et les protubérances ?

Vous avez sûrement déjà vu des photos montrant des protubérances qui jaillissent de la surface du Soleil comme des flammes. Il s’agit de jets de plasma, c’est-à-dire de gaz ionisé (constitué principalement d’hydrogène et d’hélium). Ces jets sont malheureusement invisibles avec des filtres classiques ! En effet, elles sont trop peu lumineuses par rapport à la luminosité globale du Soleil. Il faut donc soit attendre une éclipse totale de Soleil (très rare !), soit utiliser des filtres très particuliers dits interférentiels.

Photographie sans filtre de l’éclipse totale du Soleil du 21 août 2017 (États-Unis). Des protubérances sont bien visibles sur le bord du disque solaire occulté par la Lune. Elles sont relativement peu lumineuses et d’une couleur rose correspondant principalement à la raie d’émission de l’hydrogène dite H-alpha. Image : lfoastro – concours photo Stelvision

Les filtres interférentiels

Un filtre interférentiel permet d’observer un astre dans un domaine spectral bien précis. C’est pourquoi on l’appelle aussi « filtre à bande étroite » : au lieu de laisser passer toutes les longueurs d’ondes (c’est-à-dire toutes les couleurs), il ne laisse passer qu’une toute petite fraction de lumière correspondant à une longueur d’onde jugée particulièrement intéressante. Rappelons que la coloration (le spectre) de la lumière émise par de la matière dépend de sa température et de sa composition chimique.

Pour observer les protubérances, on utilise tout particulièrement les filtres H-alpha, c’est-à-dire ceux qui correspondent à la longueur d’onde émise par l’hydrogène ionisé.

Photo L'éruption solaire du 7 février 2023
Cette éruption solaire spectaculaire a été observée le 7 février 2023 avec une lunette et un filtre de type H-alpha. On observe à gauche une grosse protubérance qui émane de la surface du Soleil – et même, encore plus à gauche, du plasma éjecté à grande distance dans l’espace. Photo : Christophe de la Chapelle – Concours photo Stelvision

Malheureusement, un filtre H-alpha est très coûteux, plus coûteux en général que l’instrument qu’il est destiné à équiper ! En effet, il doit être réalisé avec une extrême précision pour être efficace – comme expliqué sur cette excellente synthèse du Groupement d’Astronomie de Spa en Belgique que vous pourrez consulter pour approfondir le sujet.

D’autres techniques encore…

Cette page n’est pas exhaustive, les plus passionnés vous parleront peut-être d’autres techniques comme l’hélioscope de Herschel, les filtres Calcium K, les télescopes à miroir désaluminés… Mais nous avons préféré mettre l’accent sur la technique la plus classique et la plus abordable tout en ouvrant le sujet vers les filtres H-alpha pour ceux que la vision des protubérances fait rêver.

À vous de jouer

Surveillez les humeurs du Soleil ! Retrouvez sur la Boutique les filtres Baader Astrosolar que nous vous proposons pour l’observer en toute sécurité. Ils sont adaptables sur les lunettes et télescopes Stelvision, mais aussi sur d’autres instruments de diamètre similaire.

Bonnes observations !