« J’ai voulu donner envie au lecteur de se lancer grâce à ce guide »

Carine Souplet a co-écrit avec Bertrand d’Armagnac le guide pratique « Le Ciel au télescope », qui sort ce 9 septembre en librairie. Cette férue d’astronomie s’est prêtée au jeu des questions-réponses pour nous faire découvrir les coulisses de cette parution et nous partager sa passion pour le ciel profond.

Bandeau photos avec le livre Le Ciel au télescope, l'auteure Carine Souplet et les constellations de l'amas de la chouette
Toulouse, le 31 août 2021 – Propos recueillis par Murielle Renard

Bonjour Carine, tu es l’auteur avec Bertrand d’Armagnac du livre Le Ciel au télescope – 110 observations essentielles à faire avec votre instrument. Peux-tu te présenter en quelques mots et nous dire comment s’est construite ta passion pour l’astronomie ?

Je suis passionnée d’astronomie depuis mes 13-14 ans, un peu par hasard : des cours étaient proposés dans mon collège de Seine-et-Marne, dispensés par le Club Uranie de Trilport. Je me suis inscrite et je suis tombée complètement dedans ! J’ai eu mon premier télescope dès 1990, un 130 mm que j’ai toujours et avec lequel j’ai d’ailleurs réalisé les observations proposées dans Le Ciel au télescope.

J’ai par la suite accumulé une longue pratique associative de l’astronomie : j’ai participé à beaucoup de rencontres, d’expositions, j’ai aussi animé des conférences. Je me souviens, l’une de mes premières interventions portait sur le dessin astronomique, une discipline que je pratique depuis vraiment longtemps et que j’affectionne particulièrement. Tout cela m’a permis de développer très tôt le goût du partage des connaissances du ciel. L’astronomie, c’est finalement devenu mon métier puisque j’ai été journaliste pendant dix ans pour Astronomie Magazine, avant de rejoindre il y a quatre ans l’équipe Stelvision dirigée par Bertrand. Mais c’est un concours de circonstances qui a fait que je me suis mise à vivre de ma passion, initialement ma formation scientifique en biologie ne m’y prédestinait pas.

Pour finir, je suis plus particulièrement attirée par les objets faibles, du ciel profond : nébuleuses, galaxies… C’est pourquoi j’ai pris en charge toutes les fiches Ciel profond du Ciel au télescope, qui sont dans la deuxième partie du livre.

Sommaire Observations du ciel profond, extrait du livre Le Ciel au télescope

Pourquoi avoir choisi d’écrire cet ouvrage, quels ont été vos partis pris éditoriaux avec Bertrand ?

C’est une somme de souhaits qui se sont additionnés. Initialement, Bertrand venait d’écrire Le Ciel aux jumelles, destiné aux débutants possesseurs d’une paire de jumelles. Il avait précédemment conçu la Carte du Ciel tournante 365, qui là s’adresse plutôt à ceux qui observent à l’œil nu. Il avait très envie de compléter ces deux parutions par un troisième ouvrage, consacré cette fois à l’observation au télescope, toujours pour les débutants. En effet le parti pris de Stelvision est de rendre le ciel accessible à ceux qui ne le connaissent pas encore, ou peu. Cependant Le Ciel au télescope s’annonçait complexe à réaliser : quand on a un télescope ou une lunette, déjà il faut savoir l’utiliser, puis cela sous-tend de voir beaucoup plus de choses qu’à l’œil nu ou aux jumelles.
Comme nous nous connaissons bien et depuis longtemps avec Bertrand, il m’a parlé de ce projet de livre dès notre début de collaboration au sein de Stelvision, et nous nous sommes dits que nous pourrions le faire ensemble.

Notre objectif pour la ligne éditoriale était simple : mettre dans ce livre tout ce qui est utile à l’astronome amateur débutant afin qu’il puisse sortir son télescope et voir des choses dans le ciel.

Il y a à la fois une partie pratique, c’est-à-dire tout ce qu’il y a à savoir avant de commencer – où observer, comment utiliser son matériel – puis les objets célestes en tant que tels : la Lune et les planètes, dont les fiches ont essentiellement été réalisées par Bertrand, puis le ciel profond, pour lequel j’ai apporté mon expérience. Notre parti pris était vraiment de sélectionner des cibles célestes accessibles facilement, de mettre aussi une petite touche de difficulté pour pouvoir progresser et intéresser des personnes qui sont un peu plus avancées dans leurs observations. Elles vont trouver dans l’ouvrage des idées un peu originales d’objets à pointer… avec notamment les fameux astérismes, ces petites formations d’étoiles qui composent parfois des dessins amusants dans le ciel.

Peux-tu nous décrire l’ouvrage, sa présentation ?

Cartouche de la fiche d'observation de M42 la grande nébuleuse d'Orion, extrait du livre Le Ciel au télescope

Concernant la présentation, on a un peu repris la logique du Ciel aux jumelles. Les fiches sont toutes identifiées avec un cartouche général qui donne les saisons de visibilité, la localisation dans le ciel de l’objet céleste et s’il peut être observé en ville ou uniquement dans un ciel bien noir. Il y a aussi un second cartouche précisant l’accessibilité de l’observation, une partie très importante à nos yeux pour le lecteur car elle donne les clés de ce qu’il peut observer ou non. Ce cartouche précise la difficulté de pointage, à savoir est-ce facile ou difficile de pointer l’instrument sur l’objet céleste qui nous intéresse, mais aussi l’accessibilité en fonction de la taille de l’instrument. Cette double approche donne une notation assez fine.

Si on a un super ciel avec plein d’étoiles, on peut considérer que les objets célestes du livre seront globalement plus faciles à trouver. Quand on est en ville et qu’on a moins d’étoiles, on va plutôt se rabattre sur les cibles très faciles à pointer car on peut se fier uniquement aux étoiles brillantes pour se repérer. La visibilité par instrument, c’est essentiel également, car selon qu’on a une lunette de 60 mm ou un télescope de 200 mm, les objets n’ont pas la même tête. Là on peut sélectionner ses observations selon l’instrument dont on dispose.

Double page extraite du livre Le Ciel au télescope, M42 La grande nébuleuse d'Orion

Toutes les fiches sont présentées sous forme de double page, avec à gauche ces pictogrammes de repérage, une description générale pour repérer les objets, et à droite les cartes : une carte générale pour localiser l’objet par rapport aux constellations, et une ou deux cartes beaucoup plus précises qui restituent la vision qu’on a à l’oculaire avec un faible grossissement.

Parle-nous un peu des coulisses de la réalisation : comment l’as-tu vécue ? Quel a été ton rôle ?

Cet ouvrage a pris du temps : entre le moment où on s’est dit « on se lance » et la sortie effective du livre, il se sera écoulé près de trois ans et demi. Il y a eu une phase de réflexion bien sûr, la mise en place des outils aussi, notamment la partie cartographique puisque les cartes sont toutes tirées d’un logiciel qui a été élaboré par Bertrand. J’ai appris à l’utiliser et paramétré chaque carte. Il fallait aussi bien entendu sortir nos télescopes : cela a été l’occasion de nombreuses soirées d’observation, que ce soit de mon côté ou de celui de Bertrand. On consignait ce qu’on voyait dans une lunette de 60 mm, dans un télescope de 130 mm et un de 200 mm, et ce pour chaque fiche. Je faisais en moyenne par soirée quatre objets célestes sélectionnés dans trois instruments différents. Ce fut un travail de longue haleine mais plutôt agréable, même s’il faut composer avec la météo et nos disponibilités.

Autre point positif dans cette expérience : Bertrand et moi avons pu mutualiser nos compétences et se compléter l’un l’autre ; lui avait l’expérience du Ciel aux jumelles, moi celle de la rédaction d’articles journalistiques. On a pu se relire, s’apporter des compléments d’idées… C’était intéressant de travailler à quatre mains ! J’espère que nous avons pu générer ainsi un ouvrage beaucoup plus riche, de par nos deux visions d’astronomes amateurs.

Après ce qui a été moins amusant, c’est que c’est quand même beaucoup, beaucoup de travail ! Parfois un peu fastidieux, car lorsqu’on fait des ouvrages techniques, il faut être rigoureux dans les données diffusées, aller chercher les informations, les retranscrire.

J’ai bien aimé en revanche la partie rédaction. Pour certaines observations, j’ai laissé mon inspiration jouer, j’ai essayé de rédiger des descriptions attrayantes pour le lecteur, pas seulement basiques et descriptives. Apporter un côté un peu original, amusant lorsque cela était possible. J’ai voulu rendre la lecture incitative, donner envie au lecteur de se lancer.

Enfin, concernant mon rôle, je me suis concentrée essentiellement sur la dernière partie du livre, les 57 fiches d’observation du ciel profond. Je me suis également chargée de la petite section sur comment garder trace de ses observations, qui parle beaucoup du dessin. En effet pour moi comme pour Bertrand, le dessin est une super technique pour débuter, c’est facile à mettre en œuvre et vraiment gratifiant. Faire de la photo c’est très bien aussi, mais ce n’est pas forcément l’école la plus facile, aussi nous avons tenu à mettre en avant l’astrodessin, qui est accessible à tous.

Maintenant que ce livre s’apprête à être disponible pour tous les lecteurs, aurais-tu un petit conseil à leur donner pour leurs futures observations au télescope ?

Voici le conseil que je donne souvent aux débutants, notamment concernant le ciel profond : il faut bien être conscient qu’en astronomie visuelle, on ne voit pas la même chose que dans les livres, les photos sont toujours plus flatteuses que la réalité.

Photo représentant la voie lactée jusqu'à l'horizon, avec un observateur et son télescope, auteur Xavastro
© Xavastro, concours photo Stelvision n˚5

Parfois on peut être déçu quand on observe pour la première fois un objet céleste, mais il faut passer outre : savoir persévérer, ne pas jeter un simple coup d’œil dans l’oculaire. Il faut rester, prendre son temps, tester en changeant de grossissement si possible. Et puis il faut recommencer, observer plusieurs fois le même objet : c’est en insistant, en regardant longuement qu’on va apprendre à voir ce qui est peu visible, à repérer plus de détails. Justement le dessin contribue énormément à faire progresser son sens de l’observation, car on cherche à saisir les détails avant de les restituer sur le papier.

Bref, soyez persévérant dans vos observations ! Tout comme on se muscle à force de courir, notre œil, notre cerveau en fait, a besoin d’apprendre à regarder, c’est une histoire de pratique régulière et réitérée.

Pour vos futures observations, voici mon petit coup de cœur : c’est l’amas de la Chouette ou NGC457, page 158 du livre. C’est un amas ouvert dans la constellation de Cassiopée, pas bien gros mais brillant. Quand on l’observe on a vraiment l’impression de voir une petite chouette aux ailes étendues qui nous regarde, il est rigolo cet amas ! Et ce n’est pas un objet Messier : il n’y a pas que les objets Messier qui sont faciles, les lecteurs pourront le constater dans ce livre.

En conclusion, je peux dire qu’on a mis tout notre cœur dans ce guide, vraiment on a transpiré pour nos futurs lecteurs ! J’espère donc qu’ils y trouveront leur compte, et que toutes ces idées d’observation leur mettront le pied à l’étrier pour débuter puis progresser en astronomie.