« L’arrivée de Perseverance sur Mars s’est déroulée parfaitement »

La mission Mars 2020 de la Nasa est arrivée sur la planète rouge le 18 février 2021, le rover Perseverance ayant pris ses quartiers sans encombres dans le cratère Jezero. Voici une première analyse avec Olivier Gasnault, astronome et responsable scientifique de l’instrument SuperCam.

Le sol martien en couleur rouge orangé avec au loin des montagnes. Au milieu de l'image le rover Perseverance qui vient de toucher le sol, il est encore suspendu à l'étage de descente (capsule avec rétrofusées) par des filins.
Vue d’artiste de l’atterrisage de Perseverance sur Mars. Crédit : Nasa/JPL-Caltech

Que peut-on dire de l’atterrissage du rover Perseverance de la mission Mars 2020 sur la planète rouge ?

Tout s’est passé comme prévu, au moment où c’était prévu. Les manœuvres de reconnaissance pour éviter les zones dangereuses ont eu lieu sans problème, notamment parce que le site du cratère Jezero avait été choisi scrupuleusement, sans pente trop forte ou gros rocher gênant.

Image en noir et blanc du cratère Jezero. On y voit comme les traces du lit d'une rivière, qui forment un delta. La rivière se déversait autrefois dans le cratère.
Le delta que pourra explorer Perseverance dans les mois qui viennent, marqueur d’une rivière qui se déversait autrefois dans le cratère Jezero. Crédit : Nasa/JPL

En moins de sept minutes, tout était terminé. Bien sûr, la totalité de la manœuvre était automatisée car de toute façon, les échanges d’informations prennent 11 minutes entre la Terre et Mars. Il aurait donc été impossible de superviser les étapes de l’atterrissage (voir plus loin le paragraphe « Sept minutes de terreur », NdlR) en temps réel. Cette descente dans l’atmosphère martienne a été un véritable test pour l’instrumentation de la Nasa et permet de valider les technologies qui serviront de base aux futures missions d’exploration.


La descente dans l’atmosphère martienne vue par les caméras du rover. Crédit : Nasa/JPL-Caltech

Que se passe-t-il en ce moment sur le rover ? Des instruments fonctionnent-ils déjà ? Et SuperCam ?

Nous avons entamé une phase de tests qui va durer plusieurs semaines. Dans un premier temps, la bonne nouvelle pour SuperCam qui se trouve au sommet du mât de Perseverance, c’est que le mât s’est justement déployé sans encombres à Sol 2. Pour rappel, sur Mars on compte le temps en « Sol », où Sol 0 est le premier jour de la mission à l’arrivée sur Mars et donc Sol 2 correspond à environ 48 heures après l’atterrissage.

Première image du rover où l'on voit son ombre sur le sol, l'horizon martien sous une forme arrondie par l'effet de caméra. Le sol martien est en couleur marron et parsemé de petites bosses et de divers cailloux.
La première image en couleur prise par le rover Perseverance. Crédit : Nasa/JPL-Caltech

Tous les éléments vont être testés, chaque instrument, mais aussi le fameux bras robotisé qui servira à la collecte d’échantillons. Après de premiers tests fonctionnels et des mises à jour des logiciels de SuperCam, tout répond parfaitement, c’est « textbook » comme on dit. Par la suite, les actions vont se multiplier et devenir de plus en plus techniques.

Quand SuperCam va-t-il effectuer ses premières mesures ?

Il n’est pas possible de donner une date exacte. En fait, les tests vont au fur et à mesure se rapprocher de plus en plus de la science : premier tir sur un caillou martien, essai de caméra…

Pour l’instant, que peut-on dire du site d’atterrissage, y a-t-il eu des surprises ?

Jusqu’à présent, les observations sont en accord avec ce qui était attendu.

Premiers sons recueillis sur Mars : le bruit du rover domine. Crédit : Nasa/JPL-Caltech

La zone d’atterrissage se trouve dans un ancien delta de rivière ?

Effectivement, on commence même à le distinguer sur certaines images prises par les caméras. Cela va nous permettre d’étudier des roches sédimentaires. Elles peuvent se trouver au fond d’un lac, ou avoir été apportées par un cours d’eau dans un delta, comme ici. Les roches sédimentaires favorisent la préservation des molécules organiques, et l’un des principaux objectifs de la mission Mars 2020 est justement la découverte de traces de vie passée, notamment via les molécules prébiotiques. C’est la quête la plus médiatique de Perseverance, mais le rover doit aussi apporter beaucoup d’informations clefs aux planétologues, par exemple sur la géologie martienne.

Alors, qu’espère-t-on découvrir sur la géologie de Mars ?

Puisque l’on se trouve au fond d’un cratère, le lieu va nous permettre d’étudier le volcanisme de la planète rouge. En effet, nous allons récupérer des roches magmatiques étroitement liées à l’histoire du cratère, qui seront ensuite ramenées par une prochaine mission sur Terre pour être étudiées. Une analyse in situ de ce type de roches avait été réalisée par l’instrument Sample Analysis at Mars (SAM) du rover Curiosity (mission Mars Science Laboratory, NdlR). Mais c’est une technique difficile à mettre en œuvre sur place, et les résultats sur Terre devraient donc être plus précis. Ces données pourront être comparées à l’âge fourni par les modèles qui établissent une corrélation entre le nombre de cratères et l’ancienneté du sol : on compte les cratères, plus il y en a, plus la surface est ancienne.

L’atmosphère de Mars va-t-elle aussi être étudiée ?

Oui indirectement, car nous allons nous intéresser aux dépôts éoliens, ces sortes de « mini dunes » que l’on peut trouver à la surface de Mars. Elles se forment par l’accumulation, sur plusieurs millions d’années, de sables fins transportés de région en région. Ces dunes peuvent être encore actives et se déplacer au gré des vents, ou bien s’être consolidées. Une mini dune ainsi durcie et « figée » peut alors nous donner des informations sur les vents présents à l’époque, et donc sur le climat passé.

Le contexte lié à l’épidémie mondidale de Covid-19 a-t-il compliqué la préparation de l’atterrissage et les premiers jours de la mission ?

Inévitablement oui. Tout a été suivi à distance par les équipes alors que nous devions tous partir pour trois mois au Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la Nasa en Californie. Pour les plus anciens de l’équipe qui ont l’expérience des opérations du rover Curiosity depuis plusieurs années, menées à distance et en collaboration avec les Américains, cela a été plus facile à préparer. Mais les nouveaux membres de la mission ont eu plus de mal, notamment pour séparer le travail de la vie privée, ce qui est plus difficile à faire lorsque l’on est chez soi et pas au JPL sept jours sur sept avec les équipes.

Le mot de la fin ?

Je suis vraiment très heureux pour les quelque 300 personnes qui ont participé au développement de SuperCam en France. Le fait que tout se soit bien passé et fonctionne bien est une magnifique récompense pour tous.


Sept minutes de terreur

Le vaisseau spatial dans lequel a voyagé le rover Perseverance depuis le 30 juillet 2020 a dû abandonner, dix minutes avant son entrée dans l’atmosphère martienne, son étage de croisière contenant panneaux solaires, radios et réservoirs de carburant. Puis, à plus de 20 000 km/h, le véhicule est entré en contact avec l’atmosphère ténue de Mars, qui l’a tout de même freiné et chauffé jusqu’à plus de 1 300 degrés – sur le bouclier thermique ad hoc.

Capsule de la mission Mars 2020 en cours de rentrée dans l'atmosphère de Mars : sur toute l'image on voit la planète rouge, et au premier plan le vaisseau spatial en couleur blanc, avec une traînée comme une comète due aux frottements avec l'atmosphère.
Vue d’artiste de la rentrée dans l’atmosphère martienne. Crédit : Nasa/JPL-Caltech

De petits propulseurs ont servi à garder le cap. Une fois ralenti à « seulement » 1 600 km/h, le vaisseau a déployé un parachute supersonique qui l’a ralenti à 320 km/h, comme un TGV. Une caméra spéciale a ensuite permis d’identifier en quelques secondes toutes les caractéristiques de la surface, et de les comparer à une carte embarquée pour déterminer si le rover prenait la bonne direction. Une fois à environ deux kilomètres au-dessus de la surface, tel le personnage Iron Man, le rover a allumé les moteurs de l’étage de descente (appelé Sky Crane) qui lui ont permis de descendre tranquillement jusqu’au sol.


Animation de l’atterrissage de Perseverance. Crédit : Nasa/JPL-Caltech

Très précisément 12 secondes avant le toucher des roues, à environ 20 mètres de la surface martienne, le Sky Crane a fait descendre le rover grâce à plusieurs filins d’environ 7 mètres de long. Dès que ses roues ont touché la surface, Perseverance a finalement coupé ces câbles, afin que l’étage de descente puisse s’éloigner et effectuer son propre atterrissage un peu plus loin.