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Que feraient les astrophysiciens sans télescope ? Pas grand chose… Les télescopes au sol notamment, souvent plus sophistiqués et performants que les télescopes spatiaux, sont indispensables à l’étude des étoiles, galaxies et planètes. Tour d’horizon des installations existantes et à venir.
Aujourd’hui, il existe une vingtaine de grands télescopes terrestres optiques dont le miroir mesure plus de 4 m de diamètre et qui scrutent le ciel dans le domaine visible, l’Ultra-Violet proche et l’infrarouge proche. Le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO) – première organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe – est l’installation observant dans le visible et le proche infrarouge la plus moderne au monde.
Construit entre 1998 et 2001 à l’observatoire astronomique professionnel du Cerro Paranal, il se situe à 2635 m d’altitude dans le désert d’Atacama au nord du Chili, où le climat hyper-aride garantit une couverture nuageuse quasi inexistante (en moyenne 350 nuits dégagées par an). Les quatre télescopes principaux de 8,2 m du VLT peuvent fonctionner de concert avec quatre télescopes auxiliaires de 1,8 m pour former un interféromètre géant. Avec ce Very Large Telescope Interferometer (VLTI), les astronomes parviennent à discerner des détails avec une précision jusqu’à 25 fois meilleure qu’avec les télescopes utilisés séparément. La résolution permettrait de distinguer les deux phares d’une voiture située sur la Lune…
NB : l’interférométrie est une méthode de mesure qui allie plusieurs télescopes optiques ou radiotélescopes. Elle offre une résolution aussi élevée que celle d’un seul télescope de diamètre équivalent à la distance entre tous les instruments combinés. Ainsi, en séparant deux miroirs de télescopes de 20 m, on obtient la même résolution qu’avec un miroir géant de 20 m de diamètre, trop complexe et onéreux à fabriquer en réalité.
Depuis son ouverture aux astronomes et astrophysiciens, le VLT conduit en moyenne à la publication de plus d’un article scientifique par jour. Cette statistique place le VLT parmi les infrastructures observationnelles les plus productives de la planète. L’instrument européen est déjà à l’origine de plusieurs grandes premières scientifiques. Il a obtenu la première image d’une exoplanète, autour de l’étoile 2M1207 située à 230 années lumière de nous, observé le voyage de plusieurs étoiles autour du trou noir supermassif au centre de la Voie Lactée ou encore les dernières lueurs du sursaut gamma le plus éloigné de la Terre connu à ce jour – ce puissant jet de rayonnement électromagnétique gamma a été émis par l’explosion d’une étoile située à 12,8 milliards d’années lumières du Système solaire.
Un autre puissant télescope terrestre est le Keck. Avec ses deux miroirs de 10 m de diamètre, l’observatoire William Myron Keck culmine à 4 145 m sur le mont Mauna Kea de l’île d’Hawaï. Les télescopes Keck I et Keck II observent dans le visible et le proche infrarouge depuis respectivement 1993 et 1996.
De plus, le Mauna Kea accueille le premier des deux télescopes de 8,1 m de l’observatoire Gemini. Le Gemini North observe à 4205 m d’altitude depuis l’an 2000, tout comme son jumeau Gemini South situé à 2 715 m sur le Cerro Pachón dans la cordillère des Andes au Chili. À deux, ils couvrent la totalité du ciel, hémisphères nord et sud.
On pourra aussi parler du Large Binocular Telescope (LBT), l’Américain perché à 3 267 m sur le mont Graham en Arizona. Opérationnel depuis 2006, ses deux miroirs de 8,4 m placés sur la même monture équivalent à un miroir géant de 11,8 m. Un dispositif unique en son genre.
Enfin, last but not least de cette liste non exhaustive, le Gran Telescopio Canarias (GTC), Grand Télescope des îles Canaries en français ou GranTeCan, est à ce jour le plus grand télescope optique de la planète avec son miroir unique de 10,4 m de diamètre. Il est localisé à l’observatoire du Roque de Los Muchachos, à 2396 m d’altitude sur l’île de La Palma au large du Maroc.
Le 25 mai 2016, l’ESO signait le plus gros contrat au monde dans le domaine de l’astronomie sol pour la construction du dôme et de la structure d’un télescope… démentiel. Doté d’un miroir collecteur de 39 mètres de diamètre, extrêmement difficile à tailler d’un seul bloc, l’European Extremely Large Telescope (E-ELT) deviendra en 2027, date à laquelle il dervait capter sa première lumière, le plus énorme télescope du monde.
La première pierre a été posée au sommet du Cerro Armazones au nord du Chili le 26 mai 2017. Son programme de recherche est ambitieux. Baptisé « La quête des origines », il sera notamment consacré à la traque des molécules organiques complexes, dont celles de la vie. Plus précisément, l’E-ELT pourra repérer les quelques photons émis par une exoplanète parmi les millions d’autres issus de son étoile hôte. Il permettra de reconstituer la composition chimique de ces planètes lointaines et de leur atmosphère, ou encore de discerner des petites étoiles en formation là où les anciens télescopes ne captaient qu’un pâté lumineux.
Parallèlement, le Thirthy Meters Telescope (TMT) américain et l’australien Giant Magellan Telescope (GMT) sont en cours de construction, et tentent de rivaliser avec leurs miroirs de 30 m et 21 m de diamètre. Si leur construction se déroule sans encombres, ils observeront respectivement leurs premières lumières en 2027 et 2029.
Outre les télescopes optiques, il existe une deuxième catégorie de télescopes au sol : ceux qui observent dans les ondes radio. On dénombre plus de 140 de ces radiotélescopes à travers le globe, qui permettent notamment d’étudier le Soleil, les pouponnières d’étoiles et les pulsars.
NB: un pulsar est une étoile à neutrons tournant très rapidement sur elle-même et émettant un fort rayonnement électromagnétique, le plus souvent dans le domaine radio.
Un des plus anciens, le radiotélescope d’Arecibo sur l’île de Porto Rico dans les Antilles, est resté pendant plus de 50 ans la plus grande antenne fixe du monde avec ses 305 m de diamètre. Elle a notamment permis de déterminer la période de rotation de Mercure (88 jours) et fait la toute première image d’un astéroïde (4769 Castalie).
Mais en 2016, la légende fût détrônée par FAST, la géante chinoise. L’antenne du Five hundred meter Aperture Spherical Telescope, comme son nom l’indique, mesure 500 m de diamètre. Installée dans le sud de la Chine, FAST a pour principal objectif l’étude des pulsars.
Parmi les interféromètres radio, qui combinent plusieurs antennes radio, les Américains détiennent la palme d’or de l’efficacité avec le Very Large Array (VLA) au Nouveau-Mexique. Ses 27 antennes paraboliques de 25 m chacune, se déplacent sur des voies de chemin de fer disposées selon un tracé formant un immense Y (deux branches de 21 km et un pied de 19 km). Il collecte ainsi les ondes radio sur plus de 13 000 m2 !
Le plus grand réseau interférométrique de la planète, le Very Long Base Line Array (VBLA), est lui aussi américain. Il se compose de 10 radiotélescopes disséminés de part et d’autre des États-Unis, sur plus de 85 000 km.
En outre, les 66 antennes de l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA) sont elles aussi un outil incontournable pour la radioastronomie. Elles peuvent être écartées de 150 m à 16 km et combinées par interférométrie pour observer les ondes millimétriques. L’instrument situé à 5100 m d’altitude dans le désert du Chili est à ce jour le plus performant pour l’étude des nuages moléculaires dans lesquels naissent les étoiles, et qui ne sont observables que dans les ondes millimétriques et submillimétriques.
Par ailleurs, si un signal en provenance d’une civilisation extraterrestre parvenait un jour jusqu’à notre planète, tous ces instruments de radioastronomie qui écoutent en ciel en permanence seraient les premiers à en faire l’expérience…
Les grands observatoires terrestres sont généralement situés dans des zones désertiques pour éviter la pollution lumineuse, et en altitude pour limiter les perturbations atmosphériques. En effet, une haute altitude permet d’éviter les couches les plus basses et denses de l’atmosphère, où se trouvent poussières, vapeur d’eau (nuages) et vents. Ce sont ces turbulences qui perturbent la traversée de l’atmosphère par les ondes électromagnétiques en provenance de l’espace, et déforment donc les images reçues par les télescopes au sol.
Toutefois, même à plus de 4000 mètres d’altitude, certaines turbulences atmosphériques subsistent. C’est pourquoi les astrophysiciens ont inventé l’optique adaptative. Cette technique permet de corriger en temps réel les déformations du rayonnement électromagnétique grâce à un miroir déformable.
Pourquoi observer depuis le sol ? D’abord, très pragmatiquement, un télescope spatial coûte cher. Le prix du Hubble Space Telescope est par exemple quatre fois plus élevé que celui d’un instrument de plus haute performance au sol. De plus, chaque kilo envoyé dans l’espace pèse dans ce montant : le volume et la masse des instruments d’analyse de la lumière captée par les télescopes spatiaux sont donc limités, contrairement aux télescopes terrestres.
Ainsi, ces derniers sont généralement plus sophistiqués et performants, mais néanmoins complémentaires des observatoires spatiaux dédiés aux gammes de rayonnements inaccessibles depuis le sol. Ainsi, le successeur du télescope spatial Hubble – le James Webb Space Telescope mis en service en décembre 2021 – est conçu pour observer dans l’infrarouge, un rayonnement que ne peuvent capter les télescopes terrestres car il est absorbé par l’atmosphère.
En astrophysique, la meilleure façon d’étudier les objets célestes notamment lointains est d’analyser le rayonnement électromagnétique qu’ils émettent et que nous recevons sur Terre grâce à un télescope. Un rayonnement électromagnétique, ou onde, correspond à la vibration de particules chargées électriquement. Il se caractérise par sa longueur d’onde, c’est-à-dire la distance (en mètres) entre deux pics de l’onde. La lumière visible, que peut voir notre œil, correspond aux longueurs d’ondes comprises entre 400 nanomètres (rouge) et 700 nanomètres (violet).
NB : 1 nanomètre (nm) = 10-9 mètre (m).
Au-delà de 700 nm, on trouve les domaines infrarouge (700 nm à 3 mm), micro-ondes (3 mm à 30 cm) et radio (au-delà de 30 cm). Les longueurs d’ondes inférieures à 400 nm correspondent aux ultraviolets (10 à 400 nm), aux rayons X (0,01 à 10 nm) et aux rayons gamma (en dessous de 0,01 nm). L’ensemble de ces ondes électromagnétiques est appelé le spectre électromagnétique. À noter qu’en physique, la lumière peut être considérée comme une onde ou comme un flux de particules nommées photons. Le rayonnement électromagnétique de faible longueur d’onde est aussi le plus énergétique et correspond aux photons de haute énergie.
Les ultraviolets (UV), les rayons X et les rayons gamma sont les ondes électromagnétiques les plus énergétiques à atteindre la Terre, mais aussi les plus nocives pour les êtres vivants. Heureusement, la haute atmosphère terrestre, notamment le dioxygène, la vapeur d’eau et l’ozone, nous en protègent en absorbant 100% des longueurs d’ondes inférieures à 100 nm. De la même manière, la plupart des rayons infrarouges et les très grandes longueurs d’ondes sont absorbées. Alors, pour étudier les objets célestes qui émettent ces types de rayonnement, il faut utiliser un télescope spatial qui gravite au-dessus de l’atmosphère.
Ainsi, l’UV proche (200 à 400 nm), l’infrarouge proche (700 à 2500 nm), la lumière visible et les ondes radio sont les seules plages du spectre électromagnétique à traverser l’atmosphère et à atteindre le sol. Pour les analyser, les astrophysiciens peuvent utiliser les télescopes terrestres.
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