La Nasa prête à redécoller vers la Lune : le lanceur SLS sur son pas de tir

Le programme lunaire Artemis de la Nasa prévoit d’envoyer des hommes sur la Lune dès 2025. Un calendrier ambitieux, qui commence par un premier vol non habité début septembre 2022. Objectif : tester le lanceur lourd SLS, le plus puissant jamais construit qui sera coiffé d’une capsule Orion.

A gauche de l'image un touriste de dos qui prend en photo le lanceur SLS sur la pas de tir du kennedy Space Center, en fin de journée.
Le lanceur le plus puissant de l’histoire est arrivé le 17 mars 2022 sur le pas de tir du Kennedy Space Center. Crédit : Nasa/Aubrey Gemignani

Accélération du calendrier

Ça y est , le lanceur lourd Space Launch System (SLS) de la Nasa est enfin sur le pas de tir du Kennedy Space Center en Floride. Après 11 années de développement et de très nombreux retards, la fusée qui transportera des hommes sur la Lune en 2025 est en place pour son premier vol d’essai. Début septembre, le lanceur le plus puissant jamais construit va faire le tour de la Lune pendant 26 jours, accompagné du vaisseau Orion, pour l’instant sans équipage.

Le 3 avril, une « répétition générale » a eu lieu : la fusée était chargée de carburant et a fait l’objet d’un compte à rebours d’entraînement jusqu’à 9,4 secondes du moment du décollage.

La fusée SLS, héritière du lanceur Saturn V du programme Apollo, mesure près de 100 mètres de hauteur et a été fabriquée notamment par Boeing. Elle est dotée d’une capacité de lancement de 70 tonnes en orbite basse, portée à 130 tonnes avec l’utilisation de boosters et l’ajout d’un troisième étage nécessaire au véhicule Orion.

Mannequin en combinaison orange  qui sera installé dans le fauteuil du commandant de bord de la mission Artemis 1.
Mannequin qui sera installé dans le fauteuil du commandant de bord de la mission Artemis 1. Crédit : Nasa

Au lancement d’Artemis 1 début septembre, un mannequin de morphologie masculine sera installé dans le fauteuil du commandant de bord, vêtu de la même combinaison que porteront les membres d’équipages humains des prochaines missions habitées. Le commandant « Moonikin », baptisé Arturo Campos en l’honneur de l’un des acteurs clés du retour d’Apollo 13 sur Terre, sera accompagné de deux modèles de torses féminins, Zohar et Helga. Truffés de capteurs, ces trois « passagers » permettront d’évaluer précisément le niveau d’irradiation des astronautes pendant les missions lunaires.

Ambitions américaines

Depuis une quinzaine d’années, la Nasa ne cache pas son ambition de renvoyer l’homme sur la Lune. Cinquante ans après que Neil Armstrong ait foulé le sol de notre satellite naturel, l’agence spatiale américaine a d’abord programmé sa nouvelle mission lunaire habitée pour 2028.

Mais c’était sans compter l’ex-président des États-Unis Donald Trump, qui a donné le ton en signant la Space Policy Directive 1 le 11 décembre 2017. Ce changement dans la politique spatiale des États-Unis a créé une accélération dans le calendrier et donné la priorité au retour de l’homme sur la Lune ainsi qu’à la conquête de Mars, notamment via l’ouverture aux collaborations avec des partenaires privés.

Donald Trump assis à un bureau en train de signer la nouvelle politique spatiale américaine en 2017, entouré par notamment des représentants du Congrès et les astronautes Jack Schmitt et Peggy Whitson.
Signature de la nouvelle politique spatiale américaine le 11 décembre 2017. Crédit : Nasa/Aubrey Gemignani

En mars 2019, l’administration Trump a même déclaré vouloir poser des hommes sur la Lune, dont la première femme de l’histoire, dès 2025. Et maintenir d’ici 2028 une présence humaine durable sur le sol lunaire, ainsi qu’en orbite. La Nasa s’est donc lancée dans une folle course contre la montre pour envoyer des Américains au pôle sud de la Lune, zone encore inexplorée directement par l’homme.

La mission Artemis

Le premier programme lunaire habité depuis Apollo dans les années 1960 se nomme Artemis, en référence à la sœur jumelle d’Apollon (Apollo en anglais) et déesse de la Lune dans la mythologie grecque.

Dans un couloir du musée du Louvre, statue de la déesse Artemis en train de marcher, sa main gauche sur une biche et sa main droite prenant une flèche de son carquois.
Statue de la déesse Artemis au musée du Louvre. Crédit : Éric Gaba/CC BY-SA 2.5

Le programme Artemis repose sur la fabrication de trois éléments principaux : le vaisseau Orion, le lanceur SLS et le système d’atterrissage Human Landing System (HLS). L’architecture globale des missions est pour sa part conçue autour de la future station orbitale lunaire LOP-G (Lunar Orbital Platform-Gateway).

Trois phases sont pour l’instant prévues. Artemis 1 doit marquer, en septembre 2022, le premier envoi au XXIe siècle d’un vaisseau spatial vers la Lune : le duo Orion-SLS doit faire le tour de notre satellite naturel.

La mission Artemis 2, dont le lancement est prévu deux ans plus tard en mai 2024, servira quant à elle à placer des astronautes en orbite autour de la Lune. Enfin, c’est avec Artemis 3 que l’homme devrait enfin reposer le pied sur la surface lunaire, en 2025.

Photo de Buzz Aldrin en combinaison sur le sol lunaire le 20 juillet 1969 prise par Neil Armstrong. En fond, on voit à gauche le drapeau américain et à droite l'atterrisseur lunaire.
L’homme n’a pas mis le pied sur la Lune depuis la mission Apollo 17 en 1972. Crédit : Nasa/Neil Armstrong

Pour atteindre la Lune

Construite sur le modèle d’architecture du vaisseau Apollo, la capsule Orion permettra de transporter jusqu’à sept personnes en orbite terrestre basse, et quatre au-delà, par exemple vers la Lune, pour une mission de trois semaines. Elle comprend un module de commande en forme de cône où se trouvera l’équipage et un module de service. Fourni par l’Esa et construit par Airbus, ce dernier contient les équipements non nécessaires au retour sur Terre.

Photo du module Orion en cours de fabrication dans les locaux de Lockheed Martin.
Le vaisseau Orion de la mission Artemis 1. Crédit : Lockheed Martin

La capsule Orion fabriquée par Lockheed Martin est dotée d’un volume habitable deux fois plus important que celui du vaisseau Apollo et, grande nouveauté, des panneaux solaires servent à l’alimenter en énergie. Conçue pour se poser sur l’eau à son retour sur la Planète bleue, la capsule est réutilisable.

À la différence du véhicule Apollo, Orion a été conçu pour des vols de longue durée, notamment à destination de Mars ou d’un astéroïde.

Dans l'espace avec la Terre en fond, on voit le vaisseau Orion, sa coiffe conique vers l'avant illuminée par le soleil. Toute la capsule est en couleur gris métallisé.
Vue d’artiste du vaisseau Orion dans l’espace. Crédit : Nasa

Au terme d’une série d’essais de plusieurs semaines à l’intérieur de la chambre à vide au Centre de recherche Glenn de la Nasa, Orion a prouvé sa résistance, et devrait donc bien voler au printemps 2022.

Dans l’environnement lunaire

La station orbitale lunaire LOP-G (Lunar Orbital Platform-Gateway) est un élément fondamental du programme Artemis. Elle devrait entrer en service dans le cadre d’Artemis 3 au plus tôt.

Cette station doit recevoir les astronautes du vaisseau Orion en provenance de la Terre et orbiter de manière permanente autour de la Lune. La structure va servir d’intermédiaire aux communications entre la Terre et le sol lunaire, de laboratoire scientifique, de logement temporaire pour les astronautes et de « garage » aux rovers et robots d’exploration.

Sur fond noir avec la Lune en bas à droite de l'image, on voit une vue d'artiste du Gateway (à gauche) et du vaisseau Orion (à droite) en arrière-plan. Les deux sont en couleurs gris métallisé et possèdent des panneaux solaires.
Vue d’artiste de la station orbitale lunaire LOP-G (à gauche) et du vaisseau Orion (à droite). Crédit : Nasa

Bien que le projet LOP-G ait été initié par la Nasa, la station orbitale est désormais développée conjointement avec d’autres agences spatiales internationales (Esa, Jaxa, ASC) et des partenaires commerciaux. La société SSL (Maxar Technologies) par exemple, travaille sur l’élément central : le Power and Propulsion Element (PPE), un système de propulsion trois fois plus performant que ceux utilisés actuellement. Cet élément, ainsi qu’un module Habitation and Logistic Outpost (HALO), doivent être lancés en 2024 par SpaceX, la société d’Elon Musk.

D’autre part, en avril 2021, la Nasa a choisi SpaceX pour développer son Human Landing System ou HLS, qui devra permettre aux astronautes de passer de la Lunar Gateway à la surface de la Lune. SpaceX a remporté cet appel d’offres géant face à l’onéreux projet de la National Team menée par Blue Origin et à l’atterrisseur moins maîtrisé techniquement de Dynetics. La société d’Elon Musk propose une version améliorée de son Starship : le HLS Starship. Le module devra déposer deux astronautes sur la surface lunaire, servir d’habitat durant la mission au sol de six jours et demi, puis ramener l’équipage jusqu’à la station orbitale lunaire.

Sur la surface grise de la Lune, éclairée par le Soleil par la gauche, avec la Terre en fond sur ciel noir étoilé, on voit à la verticale à droite de l'image et au premier plan, une vue d'artiste du futur vaisseau lunaire de Space-X. Il est similaire à un grand cylindre blanc.
Vue d’artiste du vaisseau lunaire de SpaceX. Crédit : SpaceX

A noter qu’au mois de mars 2022, la Nasa a lancé un second appel d’offres pour un atterrisseur lunaire destiné aux missions après Artemis 3 et 4. Ce HLS 2 devra être encore plus puissant et réutilisable. SpaceX, qui est déjà dans les petits papiers de la Nasa, est exclu de ce nouvel appel d’offres, puisque l’objectif est de faire jouer la concurrence. Les industriels vont prochainement pouvoir déposer leur dossier et la sélection devrait avoir lieu d’ici début 2023.

La Chine, une concurrente ?

La Nasa mise tout sur ses partenariats avec le secteur privé pour respecter coûts et délais. Mais malgré une augmentation de budget de 2,84 % en 2021 – soit une enveloppe de 23,27 milliards de dollars – l’agence américaine fait face à un casse-tête budgétaire.

La situation économique tendue pourrait donc bien pousser l’actuel président des États-Unis Joe Biden à reporter la mission habitée à 2026, voire 2028… Et pendant ce temps, depuis plusieurs années, c’est l’effervescence côté chinois.

L’Empire du milieu s’appuie sur les connaissances technologiques et humaines acquises par le passé par les autres agences spatiales, et investit des milliards. La Chine a ainsi réalisé en dix ans ce que le domaine du spatial a mis cinquante ans à construire… L’agence spatiale chinoise CNSA (China National Space Administration) enchaîne à présent les missions lunaires avec son programme Chang’e, du nom de la déesse chinoise de la Lune.

Peinture qui représente la déesse chinoise de la Lune Chang'e : elle a la Lune et le ciel bleu en fond et est représentée avec des cheveux noirs et une longue robe dans les tons rouge, bleu et vert.
Chang’e, la déesse chinoise de la Lune. Crédit : Secret China

À partir de 2007, la Chine a lancé Chang’e 1, 2 et 3 grâce à ses fusées Longue Marche et en 2013, le robot explorateur Yutu a atteint la surface de notre satellite naturel. Une opération qui n’avait pas été réalisée depuis l’alunissage de la sonde soviétique Luna 24 en 1976.

Début 2019, l’Empire du milieu est devenu la première nation à poser un module sur la face cachée de la Lune, puis en décembre 2020, à rapporter des échantillons lunaires grâce à sa mission Chang’e 5. Un exploit inédit depuis la dernière mission habitée Apollo 17 de la Nasa en 1972.

Le rover Yutu-2 à la surface de la Lune. On le voit au bout d'un chemin tracé par ses roues dans le sol lunaire, de couleur rosé.
Le rover Yutu à la surface de la Lune. Crédit : CLEP/CNSA

L’objectif final des Chinois est l’exploitation minière des ressources de notre satellite naturel (et d’astéroïdes voisins). Pour cela, le CNSA compte installer une base de recherche scientifique permanente sur la Lune d’ici 2036.

La base lunaire posséderait des capacités industrielles, également dans le but de construire des modules spatiaux directement sur la Lune, en utilisant les ressources in situ. Dans une optique d’exploration plus lointaine, vers Mars par exemple, un vaisseau construit sur le sol lunaire reviendrait en effet bien moins cher que s’il est fabriqué et lancé depuis la Terre.

Des bâtiment en cercles concentriques avec un drapeau chinois au centre et la Terre en fond, représentent une vue d'artiste d'une base lunaire chinoise permanente.
Vue d’artiste d’une base lunaire chinoise permanente. Crédit : CNSA

Et à moyen terme, l’Empire du milieu envisage l’envoi de ses premières missions lunaires habitées pour 2025-2030. Ces vols devront s’opérer avec un lanceur super lourd Longue Marche 9.

Les débuts indiens et émiratis

L’Inde aussi a lancé en 2003 son propre programme lunaire Chandrayaan-Pratham, ou « Premier voyage pour la Lune ». L’Indian Space Research Organisation (ISRO) est parvenue en 2008 à placer en orbite la sonde Chandrayaan-1 à 100 kilomètres de la Lune. En août 2019, c’était au tour de l’orbiter Chandrayaan-2 de se placer autour de notre satellite, tandis que le rover Pragyan de la mission allait être envoyé en direction du sol lunaire.

Vue d'artiste du sol lunaire avec un fond étoilé et à droite de l'image l'atterrisseur indien Vikram et le rover Pragyan.
Vue d’artiste de la sonde Vikram et du rover Pragyan sur le sol lunaire. Crédit : ISRO

Mais alors que l’orbiteur avait commencé sa mission sans encombres, début septembre 2019, l’atterrisseur n’est lui pas parvenu à se poser sur la surface lunaire. L’objectif de l’Inde était de devenir le quatrième pays après la Russie, les États-Unis et la Chine à réussir un alunissage : il faudra attendre encore un peu.

L’ISRO a donc annoncé la préparation de la mission Chandrayaan-3, qui sera lancée fin 2022. Elle réutilisera l’orbiter déjà sur place de Chandrayaan-2, et tentera comme la mission précédente de poser un rover sur notre satellite naturel. À noter que l’Inde développe également Gaganyaan (« Véhicule céleste » en sanscrit), un véhicule spatial pour permettre à trois astronautes de séjourner dans l’espace environ sept jours. Le premier vol sans équipage de Gaganyaan est prévu d’ici fin 2021.

Enfin, les Émirats arabes unis travaillent aussi sur une mission au nom bien explicite, la Mission lunaire des Émirats, qui doit déposer vers 2024 à la surface de la Lune le petit rover Rashid de dix kilogrammes. L’astromobile devrait embarquer trois instruments et effectuer des mesures pendant une durée nominale de 14 jours (une journée lunaire).

Vue d'artiste de la surface de la Lune, la Terre en fond. Sur le sol grisé avec cratères, on voit un petit rover à quatre roues : Rashid, le premier réalisé par les Emirats arabes unis. Il possède un petit mât.
Vue d’artiste du premier rover émirati : Rashid. Crédit : MBRSC

Les Émirats arabes unis ont commencé à développer leur programme spatial national en 2006 et ont depuis conçu une mission martienne (Al-Amal) placée en orbite autour de Mars en février 2021. Toutefois, contrairement à cette dernière fabriquée en majorité dans les universités américaines, la mission lunaire devrait être réalisée en totalité dans le centre spatial émirati.

Un pas vers Mars…

Outre l’intérêt scientifique et d’exploitation des ressources que suscite le retour de l’homme sur la Lune, dans l’esprit de tous les acteurs du spatial, cette étape semble indispensable à l’envoi des premiers hommes sur Mars. À seulement trois jours de voyage de la Terre, le terrain lunaire est en effet un parfait laboratoire scientifique, champ d’expérimentation pour les nouvelles technologies, appareils et véhicules, et terrain d’entraînement pour les astronautes.

La station spatiale Lunar Gateway joue un rôle fondamental puisqu’elle devrait servir d’avant-poste. C’est entre 2026 et 2030 que les missions Artemis 4, 5, 6 et 7 auront pour objectif de préparer cet extraordinaire voyage.

Vue d'artiste d'un vaisseau en train de se poser sur le sol martien. Ses turboréacteurs soulèvent de la poussière martienne et en fond on voit la Lune.
Vue d’artiste de l’exploration martienne. Crédit : DRI/Science Alive

Article mis à jour en mars 2022.