Conseils pour réussir ses photos d’éclipse de Soleil en HDR

Par Jean-Marc Lecleire, auteur du livre Les Soleils noirs de 2026 et 2027 (éditions Stelvision).

Photographie HDR de la couronne solaire réalisée le 11 juillet 2010 à l'île de Pâques. Photo : Jean-Marc Lecleire.
Photographie HDR de la couronne solaire réalisée le 11 juillet 2010 à l’île de Pâques. La très grande dynamique de la couronne est ici comprimée afin de visualiser à la fois les parties les plus lumineuses de la basse couronne et la lumière cendrée de la Lune, environ 1000 fois plus faible. Photo : Jean-Marc Lecleire.

Qu’est-ce qu’une photo HDR ?

Une photo HDR (de l’anglais High Dynamic Range ou image à dynamique étendue en français) est une image à grande dynamique qui contient toutes les informations lumineuses présentes dans une scène comportant à la fois des sujets très lumineux et d’autres très sombres. Ce procédé permet de photographier des sujets présentant de très grands écarts de luminosité, impossibles à restituer avec des moyens photographiques conventionnels. Cette technique, très répandue chez les photographes d’intérieur (notamment en photo immobilière), peut être appliquée avec succès aux objets célestes, et en particulier aux éclipses.

Pour en savoir plus sur la photographie à grande gamme dynamique, n’hésitez pas à consulter l’article de Wikipedia.

En raison de leur très grande dynamique, les images HDR (32 bits par couche de couleur) ne peuvent être affichées en l’état sur un moniteur ou sur du papier photographique. Il convient donc de comprimer la dynamique de l’image afin de pouvoir la visualiser correctement. Cette opération s’appelle le «Tone mapping ».

Pour information, la dynamique d’une image HDR peut dépasser 100 000:1 alors que celle des supports habituels est typiquement de 100 à 200:1.

En résumé, que ce soit en photographie classique ou astronomique, la réalisation d’images à dynamique étendue s’effectue en deux étapes :

  1. Réalisation de plusieurs prises de vues du même sujet avec des temps d’exposition différents qui seront ensuite combinées pour créer une image HDR.
  2. Traitement de l’image HDR par un procédé de tone-mapping en vue de l’enregistrement et de l’affichage du résultat final.
Exemple de photo réalisée à contre-jour au lever du jour. A gauche une image conventionnelle (onparle aussi d'image LDR, ou Low Dynamic Range) montrant le premier plan correctement exposé alors que le ciel est beaucoup trop clair. A droite, l'image HDR correspondante montre à la fois le premier plan et le ciel correctement exposés.
Exemple de photo réalisée à contre-jour au lever du jour. A gauche une image conventionnelle (on parle aussi d’image LDR, ou Low Dynamic Range) montrant le premier plan correctement exposé alors que le ciel est beaucoup trop clair. A droite, l’image HDR correspondante montre à la fois le premier plan et le ciel correctement exposés.
Schéma expliquant la capture de la dynamique d'une scène à partir de prises de vues classiques. A gauche, l'image la plus claire montre les zones sombres de la scène. Au centre, l'image est "correctement" exposée d'après la cellule de l'appareil photo. A droite, l'image est plus sombre mais montre les parties les plus lumineuses, correctement exposées. La fusion de ces trois clichés bracketés constitue une image HDR.
Schéma expliquant la capture de la dynamique d’une scène à partir de prises de vues classiques. A gauche, l’image la plus claire montre les zones sombres de la scène. Au centre, l’image est « correctement » exposée d’après la cellule de l’appareil photo. A droite, l’image est plus sombre mais montre les parties les plus lumineuses, correctement exposées. La fusion de ces trois clichés bracketés constitue une image HDR.

Dans la plupart des cas, en photographie de paysage, trois clichés bracketés (un cliché correctement exposé, un sous-exposé et un sur-exposé comme dans l’exemple ci-dessus) suffisent pour réaliser de magnifiques images HDR. Avec des sujets astronomiques comme les éclipses de Soleil ou la lumière cendrée de la Lune, il est parfois nécessaire de prendre dix images bracketées pour couvrir toute la dynamique de la scène (on le verra plus bas) !

Le principal intérêt du HDR en astronomie est d’obtenir une image aussi proche que possible de l’aspect visuel perçu à l’œil nu ou à l’oculaire d’un instrument (jumelles, lunette astronomique ou télescope).

Deux exemples de photos HDR de la Lune : à gauche la lumière cendrée ; à droite une éclipse partielle de Lune. Le rendu est très proche de ce qu'on observe à l'oculaire d'un télescope.
Deux exemples de photos HDR de la Lune : à gauche la lumière cendrée ; à droite une éclipse partielle de Lune. Le rendu est très proche de ce qu’on observe à l’oculaire d’un télescope.

Recommandations pour la prise de vues des photos d’éclipses de Soleil

Je recommande l’utilisation d’une monture équatoriale motorisée pour suivre le mouvement du Soleil pendant l’éclipse. En 2026, l’éclipse durera moins de 2 minutes, et chaque seconde compte.

Une monture équatoriale motorisée permet de garder le Soleil au centre des photos pendant la totalité. Pour une précision optimale, la monture doit être alignée avec l’axe polaire de la Terre. Il est donc conseillé de l’installer et de la tester si possible de nuit la veille de l’éclipse, en réglant l’axe polaire de la monture sur l’étoile Polaire.

Avec une lunette ou un téléobjectif ayant une ouverture de f/8, je recommande des expositions variant de 1/2 à 1/500 seconde, avec une sensibilité de 400 ISO. Cela revient à prendre une série de9 photos espacées de 1 IL. Vitesses d’obturation suivantes :1/500 s, 1/250 s, 1/125 s, 1/60 s, 1/30 s, 1/15 s, 1/8 s, 1/4 s, 1/2 s.

Ces vitesses d’obturation sont données pour une ouverture de f/8. Si vous travaillez à f/5,6, conservez les mêmes vitesses d’obturation, mais réglez la sensibilité de votre appareil photo sur 200ISO au lieu de 400. Si vous travaillez à f/4, réglez la sensibilité à 100 ISO. L’idéal est de travailler avec le rapport d’ouverture le plus petit possible (et donc avoir la plus grande luminosité) pour utiliser des temps d’exposition les plus courts possibles et générer le plus grand nombre de séries d’images bracketées.

Les expositions courtes sont utiles pour mettre en évidence les protubérances solaires au tout début et à la toute fin de la totalité (les protubérances deviennent plus visibles environ 15 secondes après le début et 15 secondes avant la fin de la totalité). Les expositions plus longues permettent de mettre en évidence la couronne externe et les étoiles les plus brillantes situées dans le champ du Soleil. En résumé, mes deux principales recommandations sont :

  • Utiliser une monture équatoriale qui suit le Soleil.
  • Prendre les photos bracketées le plus rapidement possible pour minimiser le décalage de l’image.

Notez que vous devrez aligner manuellement les photos bracketées avant de les fusionner en HDR, même avec une monture équatoriale.

Si vous ne possédez pas de monture équatoriale, je vous recommande de planifier le cadrage et la focale afin de capturer la disparition complète du Soleil sans avoir à recentrer l’appareil photo ni déplacer le trépied pendant la phase de totalité. En 2026, en 1 minute et demie, le Soleil se déplacera d’une distance équivalente à la moitié de son diamètre apparent et il pourra rester dans le champ de votre appareil photo. En 2027, la totalité sera beaucoup plus longue et le cadrage du Soleil ne sera correct que pendant une partie de la totalité.

Si vous utilisez une monture azimutale, vous ne pourrez pas superposer correctement les images à cause de la rotation de champ. Même si le Soleil reste centré dans le viseur de votre appareil, il semblera pivoter légèrement sur lui même pendant la durée de l’éclipse.

Si vous utilisez un téléobjectif, effectuez la mise au point en mode manuel (M), car l’autofocus ne fonctionne pas bien dans l’obscurité et vous risquez de prendre des images floues, surtout à l’approche de la totalité.

Une éclipse solaire totale est une situation stressante et il est préférable de s’y préparer à l’avance. En effet, beaucoup de choses se passent un peu avant et pendant la totalité. Durant les dernières minutes avant la totalité, assurez-vous d’avoir tout préparé : mise au point, vitesses d’obturation et cadrage. Vous pourrez alors profiter du spectacle sans rester derrière votre appareil photo !

Pour réussir, il vous faudra rester très concentré, car la lumière ambiante baisse de façon spectaculaire, les couleurs et les ombres changent, les gens crient et applaudissent partout autour de vous, votre cœur bat très fort ; certains pourraient même se mettre à pleurer. C’est une expérience forte et unique à la fois.

Comment aligner les photos bracketées d’une éclipse solaire

Quel que soit le logiciel HDR que vous utiliserez pour traiter vos images bracketées d’éclipse, vous devrez aligner manuellement vos photos de l’éclipse avant de les importer dans le logiciel. La Lune se déplaçant dans le ciel de ½ seconde d’arc chaque 2 secondes de temps, il ne faut pas aligner les images sur le disque de la Lune, mais soit sur les protubérances quand elles sont visibles, soit sur les détails de la couronne solaire, malheureusement très peu contrastés.

Si vous avez déjà utilisé le logiciel Photomatix Pro, vous avez remarqué qu’il existe une fonction d’alignement automatique des photos et qui fonctionne très bien avec les images de paysages, d’immobilier ou de personnages. Cette fonction compense les déplacements et la distorsion introduite par les mouvements de l’appareil photo lorsque la prise de vue est faite à main levée. En revanche, Photomatix n’aligne pas correctement les images d’une éclipse solaire, car le programme est perturbé par la présence du disque noir de la Lune en plein milieu des images.

Si vous utilisez Photoshop, vous pouvez aligner les photos manuellement à l’aide des calques, comme indiqué ci-dessous :

  • Commencez par charger l’image la plus sombre de l’ensemble bracketé (appelons-la image n° 1 ; elle montrera les protubérances et la basse couronne).
  • Ajoutez un nouveau calque et chargez-y la deuxième image la plus sombre (image n° 2).
  • Alignez les deux calques en utilisant le mode de fusion « Différence » (ce mode met en valeur le contraste des bords pour guider le processus d’alignement manuel). Utilisez l’image n° 1 comme référence et décalez l’image n° 2 (en utilisant les flèches du clavier pour plus de précision) jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement alignée avec l’image n° 1.
  • Une fois les deux premiers calques alignés, enregistrez l’image n° 2 et fermez l’image n° 1(sans l’enregistrer).
  • Rouvrez l’image n° 2 et chargez la troisième image la plus sombre de l’ensemble bracketé (image n° 3) dans un nouveau calque. Utilisez l’image n° 2 comme référence et alignez l’image n° 3 sur elle.
  • Une fois ces deux calques alignés, enregistrez l’image n° 3 et fermez l’image n° 2 (sans l’enregistrer).
  • Répétez ces étapes jusqu’à ce que vous ayez aligné la dernière image (la plus claire de l’ensemble bracketé).

Nous vous recommandons d’enregistrer les images alignées au format TIFF 16-bit, mais vous pouvez également les enregistrer au format JPEG avec le taux de compression le moins destructif possible.

Une fois les images pré-alignées manuellement, vous pouvez les charger dans Photomatix Pro. Dans la fenêtre « Options de fusion vers HDR », décochez l’option « Aligner les images ».Si vous vous préparez pour l’éclipse solaire du 2 août 2027, notez qu’une étoile brillante appelée delta du Cancer sera visible à environ ½ degré du Soleil. Avec un téléobjectif de 200 mm à 400mmde focale, vous la retrouverez certainement sur vos photos, même les plus courtes. Si cette étoile est visible sur vos photos bracketées, vous pouvez l’utiliser pour pré-aligner les images avec une plus grande précision que le disque lunaire.

Entraînez-vous à traiter les images données en exemple

Vous trouverez sur cette page des exemples d’images bracketées pré-alignées de la couronne solaire, pour vous entraîner à traiter des images avant l’éclipse de 2026 ou de 2027. Elles ont été prises à l’aide d’une lunette de 66 mm de diamètre et 400 mm de focale et un boîtier Canon 1000D placé au foyer.

Les temps d’exposition des différentes images sont les suivantes : 1/125s, 1/60s, 1/30s, 1/15s, 1/8s,1/4s, 1/2s, 1s et 2s (dans l’ordre de présentation).

Cliquez sur les vignettes pour télécharger les images sur votre ordinateur. Les images sont pré-alignées, vous pouvez donc tester le traitement HDR à l’aide d’un logiciel adapté comme Photomatix Pro.

Photographies d'une éclipse réalisées au foyer d'une lunette Astro-Professional de 66 mm de diamètre et 400 mm de focale avec un appareil numérique Canon 1000D. Photos : Jean-Marc Lecleire.
Ces photographies ont été réalisées au foyer d’une lunette Astro-Professional de 66 mm de diamètre et 400 mm de focale avec un appareil numérique Canon 1000D. Les images présentées ci-dessus ne sont pas des images brutes mais sont compositées à partir de plusieurs clichés pris au cours de la totalité. Cela explique pourquoi la Lune est dédoublée sur certaines images, cette dernière ayant bougé au cours de l’éclipse (durée de la phase de totalité : 4 minutes et 40secondes). Les détails de la couronne, quant à eux, sont parfaitement superposés. Cliquez pour télécharger les images.

Voici le traitement proposé :

  • Alignement manuel des photos dans Photoshop (comme indiqué ci-dessus).
  • Chargement des images alignées dans Photomatix Pro (vous pouvez télécharger une version d’essai).
  • Dans la fenêtre « Options de fusion HDR » :
    • Laisser l’option Aligner les images décochée.
    • Cocher l’option « Réduire le bruit sur toutes les images ».
  • Dans la fenêtre « Ajustement et prévisualisation », choisir soit le pré-réglage « Naturel », soit le pré-réglage « Intérieur », et jouer avec les paramètres.
Exemple de capture d'écran du logiciel Photomatix Pro.
Exemple de capture d’écran du logiciel Photomatix Pro. Ici c’est le pré-réglage « Intérieur » qui est sélectionné. Le curseur « Contraste local » est poussé au maximum (valeur : 100). Vous pouvez bien entendu essayer d’autres méthodes de traitement et d’autres réglages.
  • N’hésitez pas à utiliser le menu « Mélange », dans la colonne de gauche. Choisir une image sombre de la couronne et ajuster le mélange à 30 ou 40% pour obtenir un effet encore plus naturel.
  • Après avoir enregistré l’image, vous pouvez effectuer un renforcement de la netteté dans Photoshop pour renforcer le contraste des structures visibles dans la couronne solaire.
Image HDR de l'éclipse de Soleil du 11 juillet 2010. Photo : Jean-Marc Lecleire.
Image finale traitée HDR de la couronne solaire du 11 juillet 2010. Photo : Jean-Marc Lecleire.
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