Pluton et les planètes naines

Qu’est-ce qu’une planète naine ? Pourquoi Pluton a-t-elle été déclassée du statut de planète ? Quelles sont les caractéristiques des cinq planètes naines de notre Système solaire ? Toutes les réponses ici.

Vue d'artiste de la planète naine Makémaké : elle apparaît à gauche de l'image en couleur orangé rouge avec au loin à droite un point qui représente le Soleil.
Vue d’artiste de Makémaké, planète naine cataloguée en 2008. Crédit : R. Hurt/SSC-Caltech/JPL-Caltech/Nasa

Subtile caractéristique des planètes naines

Pour donner la définition d’une planète naine, il faut d’abord déterminer ce qu’est une planète. Une planète est un corps céleste qui orbite autour d’une étoile et dont la masse est suffisante pour que la gravité lui permette de conserver une forme sphérique, ou quasiment. Un tel corps doit également avoir éliminé tous les autres objets qui l’entourent et se déplacer seul sur son orbite.

Ainsi, d’après l’Union astronomique internationale et depuis 2006, une planète dite « naine » répond également à la définition ci-dessus, à l’exception près qu’elle n’a pas totalement fait place nette dans son voisinage orbital. Le discriminant planétaire est le paramètre qui permet de distinguer les planètes naines, sur la base de leur capacité à nettoyer les corps plus petits par collision, capture ou perturbation gravitationnelle.

Vue d'une partie de l'hémisphère nord de Pluton où l'on voit une grande plaine beige entourée de reliefs marrons.
Pluton vue pendant le survol de la sonde américaine New Horizons. Crédit : HO/Nasa

À ce jour, cinq corps du Système solaire sont officiellement classés dans la catégorie des planètes naines. Du plus au moins volumineux : Pluton, Éris, Cérès, Hauméa et Makémaké.

Il existe une sous-catégorie de planètes naines : les plutoïdes. Ces corps orbitant autour du Soleil ont la particularité d’être transneptuniens, c’est-à-dire qu’ils ont une orbite au demi-grand axe plus grand que celui de Neptune. Éris et Pluton en font partie.

Pluton, la plus célèbre des planètes naines

Contrairement à ce que beaucoup ont appris à l’école, Pluton n’est pas la neuvième planète du Système solaire. Celui-ci n’en comporte que huit et Pluton, déclassée du statut de planète en 2006, fait désormais partie intégrante de la catégorie des planètes naines. Premier objet à avoir jamais été identifié au-delà de Neptune en 1930, l’astre appartient à la ceinture de Kuiper entre 30 et 49 unités astronomiques (UA), et en détient le record du corps le plus volumineux (environ deux tiers de la Lune).

NB : 1 unité astronomique ≃  distance Terre-Soleil ≃ 150 millions de kilomètres

Pluton fait partie d’un système binaire avec son plus gros satellite Charon, qui correspond environ à un demi Pluton en volume. Le couple est entouré de quatre autres satellites plus petits : Styx, Nix, Kerbéros et Hydre, découverts par le télescope spatial Hubble.

Animation qui montre la planète Pluton en rotation. L'animation est reconstituée à partir des images du télescope spatial Hubble, donc de très loin : la surface est donc un mélange de zones floues entre le noir et le jaune.
Carte de Pluton réalisée à partir des observations du télescope spatial Hubble, en vraies couleurs. Crédit : Aineias/Nasa/Esa/M. Buie/Southwest Research Institute

La sonde spatiale New Horizons de la Nasa a été la première à traverser le système plutonien en 2015, après neuf longues années de voyage. Lors de son passage, et notamment pendant son bref survol de Pluton en juillet de cette année-là, la mission a recueilli foison de données qui éclairent encore aujourd’hui les scientifiques sur la géologie, la composition de la surface et l’atmosphère de la planète naine.

La planète naine tourne sur elle-même en 6,4 jours, de manière synchrone avec Charon auquel elle présente donc toujours la même face.

Animation qui montre le système binaire Pluton-Charon : Pluton tourne sur une petite orbite au centre de l'image à fond noir et Charon sur un cercle plus grand
Le système binaire Pluton-Charon. Crédit : Stéphanie Hoover/CC0 1.0

Composée de 65 % de matériaux rocheux et de 35 % de glace, Pluton semble être restée très active depuis sa création. Contrairement aux idées reçues, elle présente une belle diversité de formations géologiques et est aussi le siège de nombreux phénomènes atmosphériques. Toutefois, une étude publiée fin 2021 par des astronomes du Southwest Research Institute de San Antonio (Texas) révèle que la fine atmosphère de Pluton, son « ciel bleu » principalement composé d’azote, serait en train de disparaître. Ou plus exactement, de congeler.

La planète naine met en effet 248 ans à effectuer le tour du Soleil, et comme sa distance à notre étoile varie entre 30 et 49 UA, elle s’éloigne du Soleil à certains moments. Ainsi, d’après les données étudiées par les scientifiques et datant de 2018 lorsque Pluton s’éloignait du Soleil, la température de surface de la planète naine a encore diminué, apparemment à cause de l’arrêt de l’inertie thermique – chaleur stockée sous la surface qui contribuait à maintenir la température jusque-là. Ainsi, l’atmosphère en contact avec la surface glacée a refroidi, augmenté en densité, et… commencé à geler.

On voit en noir sur fond noir la courbe de la planète naine Pluton, soulignée par sa fine atmosphère, une couche bleutée.
La fine atmosphère de Pluton serait en train de disparaître. Crédit : Nasa/JHU-APL_SWRI

La plaine Spoutnik, qui correspond à la partie gauche du « cœur de Pluton » (voir photo ci-dessous) est quant à elle recouverte d’un énorme glacier de 1000 kilomètres de large pour 4 kilomètres de profondeur. D’après une étude nippo-américaine parue en 2019 dans la revue à comité de lecture Nature Geoscience, un océan liquide se trouverait sous la surface de cette plaine.

Pourtant, d’après la théorie, la distance au Soleil forcerait n’importe quel liquide à geler, la température moyenne de Pluton étant estimée à -225 °C ! Les scientifiques ont donc émis l’hypothèse qu’un processus physique complexe permettrait d’isoler l’océan du froid, et donc de le maintenir dans un état liquide.

La présence d’un océan liquide a aussi été validée dans une étude publiée par des chercheurs de l’université de Californie dans Nature Geoscience en 2020. Et contrairement à ce que l’on pensait auparavant, cet océan serait apparu dès la formation de Pluton.

Photo de Pluton prise par la sonde New Horizons de la Nasa en 2015 : on y voit la planète sur fond noir, en couleurs améliorées beige et marron
Pluton avec sa formation géologique en forme de cœur appelée région Tombaugh, du nom du découvreur de la planète. Crédit : Nasa/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute

Éris, la plus massive et lointaine

Le plutoïde Éris est la planète naine la plus massive du Système solaire et la plus éloignée du Soleil. Localisée trois fois plus loin que Pluton à environ 97 unités astronomiques, elle se trouve au-delà de la ceinture de Kuiper et n’a été découverte qu’en 2005.

Tandis que Pluton apparaît rougeâtre par endroits en raison de dépôts de tholin (substance organique azotée), Éris est grise. L’éloignement du Soleil et donc les températures très faibles provoquent en effet la condensation de méthane grisé qui tombe au sol et recouvre le tholin sur Éris. À l’inverse sur Pluton, le tholin assombrit la surface, diminue donc l’albédo et entraîne une légère augmentation de température qui suffit à l’évaporation du méthane.

NB : l’albédo est la quantité de lumière réfléchie par un corps non lumineux.

Vue d'artiste de la planète naine Éris que l'on voit en gros plan sur la gauche de l'image, la surface grisée, faiblement éclairée par un point lumineux lointain (le Soleil) à droite de l'image.
Vue d’artiste de la planète naine Éris. Crédit : Nasa/JPL-Caltech

Le sol d’Éris réfléchit jusqu’à 96 % de la lumière du Soleil. Une valeur bien supérieure aux 80 % constatés pour la neige. La planète naine est donc extrêmement brillante et même détectable par certains télescopes amateurs. À noter que le plutoïde possède un satellite naturel nommé Dysnomie.

Vue d'artiste d'Éris avec sa lune Dysnomie : on voit à droite au premier plan Éris en gris foncé et à gauche en arrière-plan, en couleurs blanches, la lune plus petite.
Vue d’artiste d’Éris avec sa lune Dysnomie. Crédit : Eso/L. Calçada

Hauméa, la planète naine ellipsoïdale

Découverte en 2004, Hauméa est un plutoïde de la ceinture de Kuiper et a la particularité d’être de forme ellipsoïdale et non sphérique. La planète naine tourne très rapidement sur elle-même, en moins de quatre heures, plus rapidement que tout autre objet de plus de 100 kilomètres de diamètre connu dans le Système solaire. Cette rapidité, certainement due à un impact avec un autre corps, est la cause de sa forme originale.

Hauméa et son anneau fin et sombre. Crédit : Tom Ruen/CC BY-CA 4.0

La surface d’Hauméa est principalement composée de glace d’eau, notamment sous forme cristalline. Cette forme étant instable, un processus est nécessairement à l’origine de la création fréquente de glace nouvelle sur Hauméa. Ces cristaux de glace d’eau rendent l’albédo de la planète naine comparable à celui de la neige.

Cérès, la planète naine « salée »

Cérès a la particularité d’être est la seule planète naine du Système solaire à se trouver dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. C’est aussi la plus petite des cinq répertoriées à ce jour, mais paradoxalement l’objet le plus grand et massif de la ceinture d’astéroïdes, loin devant Vesta.

La sonde américaine Dawn a décelé des traces de molécules organiques sur Cérès, un résultat publié en 2017 dans la revue à comité de lecture Science. De longues chaînes carbonées ont été identifiées dans les alentours d’un cratère nommé Ernutet, dans l’hémisphère nord de la planète naine.

Cérès représentée en entier, d'apparence semblable à la Lune avec beaucoup de cratères et un sol grisé. On voit au centre d'un cratère de l'hémisphère nord deux taches très blanches qui correspondent à de fortes concentrations en sel.
La planète naine Cérès et ses célèbres taches blanches. Crédit : Nasa/JPL-Caltech/UCLA/MPS/DLR/IDA

Créée au-delà de Neptune il y a environ 4,57 milliards d’années avant d’être éjectée de son orbite par la Grande Migration planétaire, Cérès semble avoir possédé par le passé des conditions favorables à l’apparition de la vie. D’après les astrophysiciens, les molécules organiques détectées ne proviennent d’ailleurs pas d’une source extérieure (collision avec un autre astre…), mais auraient bien été directement produites sur place.

Cérès est parsemée de nombreuses taches blanches très réfléchissantes, qui d’après Dawn correspondraient en fait à du carbonate de sodium. Ces sels étroitement liés aux milieux aquatiques sur Terre, sont les restes possibles d’un ancien océan salé et gelé, apparus lors d’impacts d’astéroïdes sur Cérès. Le cratère Occator est le plus riche en sel, si bien que son centre détient le record du plus grand dépôt de carbonate de sodium du Système solaire (hors Terre).

Le cratère Occator contient le plus grand dépôt de sel visible du Système solaire. Crédit : Nasa/JPL-Caltech/UCLA/MPS/DLR/IDA

972 planètes naines potentielles

Photo de l'astronome Michael E. Brown : châtain, il porte des lunettes, et est habillé en costume noir, cravate foncée et chemise bleu clair
Michael E. Brown. Crédit : The Kavli Prize

Selon l’astronome et professeur de planétologie au California Institute of Technology Michael E. Brown, en 2021, le Système solaire compte 741 corps qui sont de potentielles planètes naines. Six d’entre eux se rapprochent toutefois plus de la définition de base et sont les plus enclins à obtenir l’appellation officielle : Gonggong, Quaoar, Sedna, Orcus, 2002 MS4 et Salacie. Michael E. Brown est le découvreur ou codécouvreur de pas moins de 16 objets transneptuniens dont Éris, Makémaké, Quaoar, Sedna et Orcus.