Qu’est-ce qu’une comète ?

Souvent guettées avec ferveur par les astronomes, les comètes émerveillent par leur chevelure brillante caractéristique. Faisons le point sur la composition et l’origine de ces astres, l’historique mission Rosetta et le projet fou de l’Agence spatiale européenne Comet Interceptor…

Comète PanSTARRS qui se déplace vers la droite de l'image, laissant derrière elle une traînée brillante très évasée, sur un fond de ciel étoilé.
La comète C/2016 R2 Panstarrs découverte en 2016 et observée en janvier 2018 à trois distances Terre-Soleil de notre étoile. Crédit : Gerald Rhemann via Spaceweather

De quoi se compose une comète ?

L’élément principal d’une comète est un noyau de gaz solidifiés en glace et de poussières, en orbite autour d’une étoile. La comète possède une trajectoire souvent elliptique (ovale très aplati). Lorsqu’elle se rapproche de son étoile, elle subit un phénomène de sublimation (passage de l’état solide à l’état gazeux).

Un halo de gaz et de poussières auparavant gelés et appelé chevelure (ou coma), qui correspond avec le noyau à la tête de la comète, se forme alors. C’est pourquoi le mot comète vient de « ο komêtês », « astre chevelu » en grec ancien.

Animation de la comète Panstarrs en noir et blanc.
Animation de la chevelure de la comète C/2016 R2 Panstarrs. Crédit : Michael Jäger

La tête est suivie d’une queue, souvent double, qui se crée dans la direction opposée à l’étoile. Une partie rectiligne et bleutée est constituée de gaz ionisé rejeté à grande vitesse. Un gaz ionisé est un gaz dans lequel on trouve des atomes et des molécules brisés, qui ont reçu ou perdu des électrons au moment de leur éjection du noyau.

L’autre partie de la queue, courbe et très lumineuse, est elle faite de poussière rejetée à des vitesses moins importantes. La queue peut s’étendre sur plusieurs dizaines de millions de kilomètres !

Schéma d'une comète sur fond noir, avec sa queue en deux parties visible.
Schéma d’une comète. Crédit : cpt flcn/CC BY-SA 4.0

Observation des comètes

On répertorie à l’heure actuelle environ 3 800 comètes. L’une des plus connues est la comète 1P/Halley, qui réapparaît dans le ciel nocturne tous les 75 ou 76 ans. Ce fût le cas en 1759, année du tout premier retour d’une comète prévu par le calcul, et vérification sans appel de la loi de gravitation universelle.

À noter que certaines comètes deviennent particulièrement brillantes si elles passent suffisamment près du Soleil et de la Terre. Elles sont alors qualifiées de « grandes comètes » et sont visibles à l’œil nu (parfois même, très exceptionnellement, en plein jour !). Elles restent rares malheureusement. Plus communément, chaque année nous apporte quelques comètes à débusquer avec un télescope d’amateur ou une bonne paire de jumelles.

D’où les comètes proviennent-elles ?

Les comètes en balade dans notre Système solaire proviendraient de la ceinture de Kuiper et du nuage d’Oort.

La ceinture de Kuiper est la zone au-delà de l’orbite de Neptune située entre entre 30 et 55 unités astronomiques (1 unité astronomique = 1 UA = 1 distance Terre-Soleil ~ 150 millions de kilomètres) et contenant une multitude de petits corps. Le nuage d’Oort serait lui beaucoup plus lointain, entre 20 000 UA et 100 000 UA. Il serait à l’origine de la plupart des comètes observées depuis la Terre : il en contiendrait plusieurs milliards. 

dessin ceinture de Kuiper et nuage d'Oort
Le nuage d’Oort au-delà du Système solaire. Échelle de distances en Unités Astronomiques. Crédit : Nasa-JPL-Caltech

Différences entre une comète et un astéroïde

Les astéroïdes sont des corps célestes composés de roches, de métaux et de glaces. Ils seraient les restes du disque protoplanétaire à l’origine du Système solaire non agrégés en planètes, il y a 4,4 milliards d’années. Leur taille varie d’un mètre à environ 1 000 kilomètres. Au-delà, ils deviennent sphériques et acquièrent le statut de planète naine. Dans le Système solaire, la plupart des astéroïdes se trouvent sur une orbite située entre celles de Mars et de Jupiter, c’est la ceinture principale d’astéroïdes, ainsi que dans la ceinture de Kuiper.

Outre la composition et la localisation, leur différence fondamentale avec les comètes est l’activité du noyau cométaire. Ce phénomène qui se déclenche lorsqu’une comète se rapproche de son étoile n’existe pas chez les astéroïdes. Ce sont des astres inertes.

Photo de la comète de Halley où l'on distingue bien sa queue en deux parties.
La comète 1P/Halley. Crédit : Nasa/W. Liller/NSSDC’s photo gallery (Nasa)

Toutefois, dans la ceinture de Kuiper, les astéroïdes sont plus riches en glaces et pauvres en métaux et roches, ce qui rapproche leur composition des noyaux cométaires. De plus, les astrophysiciens ont récemment observé plusieurs astéroïdes présentant une activité cométaire. On les appelle « astéroïdes actifs » ou « cométo-astéroïdes ».

Le premier d’entre eux à avoir été découvert est 288P, dans la ceinture principale par le télescope spatial Hubble en 2016. L’observation de l’astéroïde binaire – deux astéroïdes de mêmes taille et masse en orbite à 100 kilomètres l’un de l’autre – a en effet permis de détecter de la sublimation de glace d’eau due au rayonnement solaire. Un phénomène semblable à la création de la queue d’une comète…

Animation en couleurs bleu du premier astéroïde actif 288P détecté dans la ceinture principale en septembre 2016
Premier astéroïde actif VW139/288P détecté dans la ceinture principale en septembre 2016. Crédit : Nasa/Esa/J. DePasquale/Z. Levay (STScI)

Rosetta, une mission historique

Jusqu’à présent, dix sondes ont contribué à l’étude des noyaux cométaires. Les quatre premières (Vega 1, Sakigake, Suisei et Giotto) se sont approchées de la comète de Halley en 1986. Les américaines Deep Space 1, Stardust (prélèvement de poussières de la comète 81P/Wild) et Deep Impact (envoi d’un impacteur sur la comète Tempel 1) sont notables. Mais c’est la mission Rosetta de l’Agence spatiale européenne (Esa) lancée en 2004 qui a marqué l’Histoire.

La sonde s’est placée en orbite autour de la comète 67P/Tchourioumov-Guérassimenko le 6 août 2014. Elle a ensuite envoyé son petit atterrisseur Philae sur la surface de la comète. Deux grandes premières.

La vidéo ci-dessous montre l’atterrissage de Philae sur Tchouri tel que l’Agence spatiale européenne l’avait prévu :

Cette seconde vidéo reconstitue l’atterrissage réel de Philae sur 67P…

Un atterrissage compliqué…

Eh oui, tout ne s’est pas déroulé comme prévu pour le petit atterrisseur à trois pattes. Alors que la comète se trouve à 650 millions de kilomètres de la Terre et après 10 ans d’attente, Philae doit se poser tranquillement à la surface d’une comète 67P voyageant alors à 135 000 km/h. Mais à cause de la faible gravité sur la comète, Philae qui pèse pourtant 100 kilogrammes ne représente que l’équivalent d’un gramme à la surface de la Terre.

Au moment de l’atterrissage, un propulseur de gaz et deux harpons doivent donc permettre d’ancrer Philae au sol. Mais aucun de ces dispositifs ne fonctionne. Le petit module rebondit alors deux fois avant de terminer sa course à plus d’un kilomètre de son point de chute initial, contre une paroi, une partie de ses panneaux solaires dans l’ombre.

Heureusement, Philae peut quand même fonctionner pendant un peu plus de 60 heures grâce à quelques créneaux d’ensoleillement qui permettent d’alimenter sa batterie au lithium. Avec en plus les données de l’orbiteur Rosetta, notre connaissance des comètes s’est considérablement améliorée.

Photo de la comète Tchouri en noir et blanc.
La comète Tchouri résulterait de la collision de deux comètes plus petites. Crédit : ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA

… mais des résultats inédits

Tout d’abord, les quatre appareils photos de l’orbiteur et de l’atterrisseur ont pour la première fois permis de voir de près l’apparence du sol cométaire. Il est très noir, fissuré et composé de poussières de tailles différentes.

La mission Rosetta a également mis en lumière la forte proportion de matière organique dans les comètes. L’étude des dégazages de Tchouri par l’orbiteur a mis en évidence de petits grains riches en carbone, en hydrogène ou encore en oxygène. Les grains de glace et de poussières minérales étaient bien présents, mais en minorité ! On a aussi détecté de la glycine dans la queue de la comète. Cet acide aminé entre dans la composition de l’ADN humain…

Film en noir et blanc qui montre la rotation de la comète 67P sur elle-même, vue par la sonde Rosetta.
La comète 67P vue par la sonde Rosetta. Crédit : Esa

Philae a lui « reniflé » les gaz et les poussières volatiles en surface et repéré 16 molécules organiques différentes. Composées de carbone, d’oxygène, d’hydrogène ou d’azote, quatre d’entre elles n’avaient encore jamais été détectées dans l’espace ! Cela renforce l’hypothèse que ce sont les comètes qui auraient amené les premières briques du vivant sur Terre, lors d’un bombardement intensif il y a près de 4 milliards d’années.

Jusqu’à présent, les astrophysiciens pensaient que le magnétisme avait joué un rôle important dans la naissance des comètes au moment de la formation du Système solaire. Il aurait permis l’agglomération des poussières, attirées les unes vers les autres par leurs composants métalliques. Cependant, les rebonds imprévus de Philae ont permis de mesurer le champ magnétique de Tchouri en plusieurs points. Résultat : la comète n’est pas magnétique ! La théorie ne se vérifie donc pas dans le cas de 67P.

Enfin, puisque Rosetta est la seule sonde a avoir jamais été mise en orbite autour d’une comète, on a pu pour la première fois en scruter l’intérieur. Il en résulte que Tchouri est très poreuse : elle contient plus de 70 % de vide ! Sa densité est comprise entre 0,4 et 0,5, ce qui signifie… qu’elle flotterait dans l’eau !

L’Esa veut intercepter une comète

Pour finir, intéressons-nous à la mission Comet Interceptor que l’Esa prévoit de lancer en 2029. Son but est de survoler une comète – on ne sait pas encore laquelle – dans son état d’origine, c’est-à-dire une comète qui n’est pas encore passée proche du Soleil et dont la structure reste inchangée depuis sa création. Ou alors, même si la probabilité est faible, la mission envisage si l’occasion se présente de survoler un objet interstellaire, en provenance d’un autre système stellaire que le nôtre…

Le concept est une première, car toutes les comètes observées jusqu’à présent avaient déjà effectué plusieurs passages près du Soleil. L’objectif final est ainsi de mettre en lumière des informations inédites sur le processus de formation du Système solaire, et sur les matériaux de la nébuleuse solaire.

Vue d'artiste de Comet Interceptor : on voit une sonde assez classique, corps doré carré avec panneaux solaires bleu foncé, devant une comète à la queue violette. En fond en bas de l'image, la courbure de la Terre, et en fond sur le reste de l'image jusqu'en haut un ciel noir étoilé.
Vue d’artiste de la mission Comet Interceptor. Crédit : Thales Alenia Space

Sélectionnée en juin 2019, Comet Interceptor devrait emporter dix instruments scientifiques. Deux sous-satellites qui seront largués peu avant le survol sont aussi prévus pour reconstituer la comète en 3D. La sonde spatiale sera d’abord placée en position d’attente au point de Lagrange L2. Puis, les grands observatoires terrestres serviront à détecter et choisir une cible. Cette phase de sélection devra avoir lieu suffisamment en amont de l’interception, afin que l’objet choisi n’ait pas le temps de s’approcher du Soleil et donc d’être détérioré. La mission a été confirmée en juin 2022, à l’issue de la phase de faisabilité.