Distances et tailles dans le ciel : degrés, minutes, secondes

Avec l’aide d’une lunette astronomique ou d’un télescope, on voit des détails beaucoup plus fins qu’à l’œil nu, qu’on mesure en degrés, minutes et secondes. Mais jusqu’à quelles limites ?

Schéma de la distance angulaire entre deux étoiles.
L’écart entre deux astres du ciel est appelé séparation angulaire ou distance apparente.

Lorsqu’on observe le ciel, il est courant qu’on veuille évaluer l’écart entre deux astres. On mesure alors la séparation angulaire (appelée aussi distance apparente), qui est la valeur de l’angle formé entre les deux droites qui relient ces deux objets à l’observateur, comme illustré ci-dessus.

Degrés, minutes, secondes, les mesures de la séparation angulaire

Une séparation angulaire se mesure en degrés, minutes et secondes d’arc. Un degré d’arc contient 60 minutes d’arc, et une minute d’arc contient 60 secondes d’arc. Autrement dit, une seconde d’arc est 3 600 fois plus petite qu’un degré d’arc. Par commodité, on omet souvent de préciser « d’arc » derrière ces unités (« la distance mesurée entre ces deux étoiles est de 2 minutes et 30 secondes »).

On mesure aussi le diamètre des astres de la même façon, on parle alors de diamètre apparent.

Rappel sur ce qu’on voit à l’œil nu

Sans instrumentation, la séparation angulaire la plus grande couverte par nos deux yeux est d’environ 120 degrés. Mais qu’en est-il pour les valeurs les plus faibles ? Dans cet article, nous expliquons qu’en utilisant sa main, l’observateur peut évaluer des distances entre 5 et 20 degrés, et même de l’ordre de 1 degré en utilisant la largeur de son pouce. Pour des valeurs en dessous de 1 degré, on admet que la séparation angulaire devient serrée à l’œil nu, cependant les limites de l’œil sont loin d’être atteintes !

Nos yeux peuvent voir de petites séparations angulaires

Pour évaluer de quoi vos yeux sont capables, vous pouvez vous amuser à rechercher des astres dans le ciel de plus en plus rapprochés.

Regardez tout d’abord la pleine lune. Son diamètre apparent (autrement dit la séparationangulaire entre ses deux bords opposés) est d’un demi-degré, soit 30 minutes.

Puis, tournez-vous vers le duo d’étoiles Mizar et Alcor, dans la queue de la Grande Ourse : elles aussi facilement discernables, elles sont éloignées de 12 minutes, soit un peu plus du tiers de la pleine lune.

Localisation des étoiles Mizar et Alcor dans la constellation de la Grande Ourse.

Ensuite, tournez-vous vers la constellation du Taureau quand elle est visible (plutôt en hiver) : le duo d’étoiles θ1 et θ2 (theta1 et theta2) est séparé de 6 minutes. Une fois le repérage fait grâce à la proximité de l’étoile orangée Aldébaran, cette observation ne pose pas de grande difficulté même si elle nécessite un peu d’attention.

Localisation des étoiles θ1 et θ2 dans la constellation du Taureau.

Quatrième étape, possible quand la constellation de la Lyre est visible (plutôt en été et en automne) : recherchez le duo d’étoiles ε1 et ε2 (epsilon1 et epsilon2) qui est séparé de 3 minutes et 28 secondes (voir la carte présentée plus loin dans l’article). Compte tenu de l’éclat plus faible de ces deux étoiles, il faut un ciel bien noir pour réussir à les voir séparément. Si vous y parvenez, c’est déjà un petit défi relevé !

Pour les distances plus faibles, il n’existe malheureusement pas de duo d’étoiles suffisamment lumineux pour qu’ils soient identifiés à l’œil nu. Mais sachez que la plupart d’entre nous pouvons voir deux astres distinctement s’ils sont séparés d’au moins une minute d’arc. Les observateurs aux yeux les plus aiguisés peuvent en principe diviser cette limite par deux, soit 30 secondes d’arc.

Voici un tableau comparatif des séparations angulaires pour ces premières cibles afin de vous aider à mieux les évaluer.

Tableau 1 : comparaison de séparations angulaires pour des cibles séparables visibles à l’oeil nu.

Dans une lunette astronomique ou un télescope, les limites sont repoussées

Passons maintenant derrière un lunette ou un télescope. À de faibles grossissements (20 à 40 fois), la séparation angulaire minimale qu’on peut voir entre deux objets diminue considérablement.

À nouveau, partons pour une petite exploration du ciel afin d’évaluer ces nouvelles limites !

La suite après cette annonce

Première étape, pointez la planète Jupiter lorsqu’elle est visible. Le diamètre apparent, c’est-à-dire la distance d’un bord à l’autre de la planète varie entre 30 et 50 secondes d’arc. Dans un oculaire de faible grossissement, la planète n’est pas bien grosse mais en général, on distingue des détails beaucoup plus petits à sa surface.

Puis, pointez l’étoile double Albiréo dans la constellation du Cygne. Ce duo se compose d’une brillante étoile jaune et d’une étoile bleue à l’éclat bien plus faible. Leur séparation angulaire est de 34 secondes d’arc (en théorie séparable à l’œil nu pour les meilleurs observateurs, mais la différence d’éclat rend cela impossible). Une paire de jumelles grossissant 10 fois est déjà suffisante pour les voir séparément. Il en est de même avec une lunette astronomique ou un télescope muni d’un faible grossissement.

Localisation de l’étoile Albiréo dans la constellation du Cygne et du duo ε1 et ε2 dans la Lyre.

Tournez ensuite votre télescope vers le duo d’étoiles ε1 et ε2 dans la Lyre, déjà observés à l’œil nu. La distance entre les deux astres est trop grande pour que vous puissiez les voir ensemble dans un oculaire courant à faible grossissement. Mais, surprise, chacune des deux étoiles est elle-même double ! la distance qui sépare chacun des deux duos est très similaire : 2,36 secondes pour ε1AB et 2,40 secondes pour ε2AB.

Ces étoiles doubles sont des cibles très intéressantes pour tester le pouvoir séparateur d’un petit instrument d’amateur, c’est-à-dire la séparation angulaire qui doit séparer les astres pour les voir distinctement. N’hésitez pas à utiliser un grossissement important pour distinguer ces étoiles séparément.

Plus les télescopes ont un grand diamètre et plus la valeur du pouvoir séparateur est faible, ce qui signifie qu’ils permettent de voir de petites séparations angulaires. La valeur du pouvoir séparateur est fournie par le fabricant du télescope mais vous pouvez aussi la calculer en utilisant notre simulateur de télescopes (choisissez “Simulation détaillée”).

Le duo ε1 et ε2 dans la Lyre est composé lui-même de deux étoiles doubles. Image : Mathieu Sénégas

Par exemple, la lunette Stelescope 70 a un pouvoir séparateur de 1,7 secondes d’arc. Pour le Stelescope 130, il est de 0,9 secondes d’arc. Les deux instruments permettent donc en théorie de voir les deux duos d’étoiles distinctement. Mais pour atteindre des valeurs aussi faibles, il faut de très bonnes conditions d’observation (ciel cristallin et atmosphère calme). Dans des conditions plus ordinaires, on peut multiplier ces valeurs par deux pour avoir une idée du pouvoir séparateur réel.

Au final, dans le Stelescope 70, il est impossible de séparer les deux duos, on distingue plutôt deux « étoiles allongées » (elles se confondent en partie). Dans le Stelescope 130 en revanche, chacun des deux couples peut être séparé à condition d’utiliser un grossissement de 150 fois environ. Consultez également cette fiche d’observation pour en savoir plus.

Tableau 2 : comparaison de séparations angulaires pour des cibles séparables dans un télescope amateur.

Bien sûr, plus les télescopes ont un grand diamètre optique et plus de séparations angulaires peuvent être mesurées. C’est le cas des heureux astronomes amateurs disposant de gros télescopes !

Les télescopes professionnels ont des capacités bien plus grandes

Si l’on va jusqu’à examiner les capacités des plus grands télescopes professionnels, les limites sont repoussées à l’extrême. Le tableau ci-dessous vous donne trois exemples, dont le futur télescope européen E-ELT qui sera 8 500 fois plus performant que vos yeux seuls pour ce qui est du pouvoir séparateur. Une sacré acuité visuelle !

Tableau 3 : comparaison de séparations angulaires pour des cibles séparables dans quelques télescopes professionnels.